vendredi 23 février 2024

Ce que je n’ai pas eu le temps de dire à mon Père

 

Le 22 Janvier 1963 le Général De Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer signèrent un traité d'amitié franco-allemande dit « traité de l’Elysée ». Ce document fixait le cadre d’une coopération bilatérale avec le double objectif d’enterrer d’une part la hache de guerre à l’issue d’une période de soixante-dix ans marquée par trois conflits dont deux mondiaux, et d’autre part la volonté gaulliste d’en faire le moteur du bloc européen. Cette volonté politique s’inscrivait au sein d’une structure économique préexistante, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) crée en 1951, remplacée par la CEE en 1957.

 

Dans la foulée du traité de l’Elysée, fut institué en 1963 l’Office franco-allemand pour la Jeunesse. René Peyre, alors chargé de mission au sein du cabinet du ministre des PTT Jacques Marette, organisa à partir de 1964 des rencontres de fils et filles de postiers français et allemands dont René Duclos repris le flambeau en 2009 à la tête de l’Association Nationale des PTT Anciens Combattants et Victimes de Guerre.

 

Le couple franco-allemand semble aujourd’hui tenir le coup, malgré quelques vicissitudes et le poids toujours plus grand d’un pays devenu en 2023 la troisième puissance économique mondiale. Sous l’influence des deux partenaires, l’Europe s’est agrandie et confortée à travers la création du Conseil européen en 1975, de l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct en 1979 ou encore la signature du traité de Maastricht (1992) et la mise en circulation d’une monnaie unique, l’euro, en 2002. L’image forte du geste de Verdun le 22 septembre 1984 entre François Mitterrand et Helmut Kohl reste dans les mémoires.

 

On a pu craindre qu’une marche à pas forcés de la réconciliation franco-allemande suscite une lecture aseptisée du passé s’exerçant au détriment du devoir de mémoire. Le fort engagement de Madame Simone Veil pour la construction européenne et le discours historique de Jacques Chirac prononcé en 1995 lors des cérémonies commémorant la grande rafle du Vel’ d’Hiv’ des 16 et 17 juillet 1942 dissipent cette inquiétude. Par ailleurs René Peyre artisan du rapprochement entre les deux pays fut un des premiers à monter au créneau, lorsqu’à la tête de l’UFAC il s’opposa à la volonté du Président Giscard d’Estaing de ne plus célébrer l'anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale au profit d’une journée de l’Europe du 9 Mai.

 

Pour ma part, je fus l’humble témoin de la persistance de cette bilatéralité. J’ai effectué ma carrière au sein de l’opérateur historique des Télécommunications. Fin des années 90, début des années 2000, le secteur était alors en pleine effervescence entre bulle spéculative boursière, stratégies d’alliances et création d’un régulateur (ARCEP). Je fus intégré au sein d’une équipe projet de refonte du système informatique descriptif et productif des réseaux de transmission français. Ce vaste projet imposait avant tout choix d’une application unique, le préalable de la création d’un langage commun, et de la fiabilisation des données utilisées par les diverses applications régionales existantes. Ce travail effectué, vint le choix du produit final. Deux candidats s’opposaient. Une base de données hexagonale bien adaptée à la complexité de notre réseau alors – une fois n’est pas coutume ! - supérieur au réseau allemand. Et une application d’Outre Rhin inadaptée. A l’époque couraient des rumeurs de stratégies d’alliance avec Deutsch Telecom. Et contre toute attente l'option politique prévalut sur l'alternative technique. Salarié d’une entreprise autrefois « simple Direction Générale » du Ministère des P.T.T, je saluai, admiratif, dans cette décision, l’ombre portée de mon père, initiateur au sein de cette administration de la réconciliation franco-allemande.

 

Jean-Louis Peyre, retraité Orange.

 

 

Sources :

 

Le traité d'amitié franco-allemand – Wikipédia

 

La Communauté économique européenne – Jules Lastennet

 

Un anniversaire morose pour le couple franco-allemand – Le Monde Diplomatique - Anne-Cécile Robert

 

Biographie : Simone Veil, fervente avocate de la construction européenne – revue Toute l’Europe, comprendre l’Europe

 

Cahiers d’Histoire, revue critique - La réconciliation franco-allemande : crédibilité et exemplarité d’un « couple à toute épreuve » ? - Valérie Rosoux

 

René Peyre a été président de l’UFAC entre 1969 et 1996 et président de l’Association Nationale des PTT Anciens Combattants et Victimes de Guerre entre 1972 et 2009.