dimanche 21 avril 2024

IL Y A 80 ANS LES COMBATS DU VERCORS

 

Les forces de la résistance en Vercors en fixant d’importants effectifs allemands ont rendu d’éminents services à la bataille de France " en cours "

Télégramme adressé le 29 juillet 1944 aux FFI Vercors par le Général KOENIG.

 

 

D'une phrase très courte, Raoul BLANCHARD, ancien recteur de l'Académie le Grenoble, auteur d'une thèse sur les Alpes, dépeint le plateau du Vercors "Un vaste berceau de prairies au milieu des forêts "

 L'air y est pur. Loin du tumulte et de la pollution des grandes villes la nature conserve son charme et sa sérénité.

 Les habitants de La Chapelle-en-Vercors, de Vassieux, des hameaux voisins et les fermes isolées consacrent leur activité à l'élevage et à l'exploitation des forêts.

      En hiver montent sur le plateau des skieurs, au printemps et en été des randonneurs t des enfants qui ont besoin de respirer l'air pur et tonifiant des montagnes du Vercors.

       Aucun des habitants ne se doute en 1940 qu'il souffrira un jour de la barbarie nazie. Les derniers combats se sont déroulés à Voreppe (Isère) et dans les Alpes. La Fance est traumatisée par une défaite foudroyante. Deux millions de soldats sont prisonniers. Une partie de la population accorde sa confiance au vieux Maréchal PETAIN. Mais des femmes et des hommes de tous âges et de sensibilités différentes auxquels le Général DE GAULLE a lancé un appel pathétique le 18 juin 1940 refusent de vivre sous le joug hitlérien et la tutelle du gouvernement de Vichy. Ils espèrent pouvoir reprendre rapidement les armes pour chasser l'occupant et rétablir la République et nos libertés. Dans tous les départements, dans l'Ain, dans les Savoies, dans la Drôme, dans l'Isère, dans l'Ardèche, en Dordogne, dans le Massif Central, dans le Limousin, en Bretagne, en Normandie, en Ile-de-France, dans le Nord, en Corse... se constituent clandestinement des maquis rattachés à des mouvements ou réseaux en contact avec l'Etat-Major de la France Libre à Londres.

      En 1941, M. Pierre DALLOZ, inspecteur des sites, résidant à Sassenage, pense que le Vercors, forteresse naturelle d'accès difficile, constituerait une position stratégique très importante si les troupes alliées débarquaient en Provence.

      Son ami, l'écrivain Jean PREVOST, partage ce sentiment. En novembre 1942, Pierre LOZ soumet à Yves FARGES, journaliste à "Franc-Tireur", à Lyon, un plan d’utilisation militaire du Vercors supervisé par le capitaine LE RAY. Yves FARGES transmet le plan « montagnards " à Jean MOULIN qui donne son accord le 31 janvier 1943.

     Le 10 février 1943, Pierre DALLOZ et Yves FARGES remettent le plan « montagnards " au Général DELESTRAINT, chef de l'Armée secrète, qui l'adopte et le présente au Général DE GAULLE en mars 1943.

    Malheureusement, le Général DELESTRAINT et Jean MOULIN, dont l'insistance aurait sans doute été déterminante, sont arrêtés, l'un à Paris, l'autre à Lyon en juin 1943. La Gestapo les a éliminés.

  A la fin de l'année, Pierre DALLOZ rencontre à Alger le Colonel PASSY (chef BCRA) et le Colonel BILLOTTE, secrétaire général du Comité de défense national proches collaborateurs du Général DE GAULLE. II souligne l'intérêt de son plan dev deux autres colonels " dont les préoccupations, écrit-il, n'étaient pas celles que j'aurais cru »

   Quand Eugène CHAVANT (CLEMENT) se rend à son tour à Alger en Mai 1944 constate avec amertume que le plan "montagnards" n'a pas été transmis à l’état-major interallié.

    Mais il rencontre Jacques SOUSTELLE qui lui promet qu'Alger interviendrait si les Allemands lançaient une grande offensive contre le Vercors.

    Hélas la promesse ne fut pas tenue, et CLEMENT le reprochera très vivement aux autorités civiles et militaires d'Alger.

   Quoique plus modéré dans ses propos le Commandant HUET terminera ainsi le message transmis par radio le 23 juillet au soir à Alger : " Tous ont fait courageusement leur devoir dans une lutte désespérée et portent la tristesse d'avoir dû céder sous nombre et' d'avoir été abandonnés seuls au moment du combat ".

   L'attitude de l'Etat Major interallié est d'autant plus surprenante qu'il n'ignorait pas] l'existence et l'intérêt du maquis du Vercors constitué au début de l'année 1943 par un comité comprenant Pierre DALLOZ et ses amis et les responsables du mouvement Franc-Tireur du Dauphiné.

   Le premier maquis est créé à Ambel, au sud de la forêt de Lente en janvier 1943. Au fur et à mesure de l'arrivée de volontaires et de groupes constitués dans les vallées une dizaine de maquis s'installent dans les divers secteurs du Vercors.

   En 1943, le Vercors abritait environ 400 maquisards. En juin 1944, il en comptait environ 4 000. Pourtant, en raison de l'étendue du Massif, les effectifs étaient trop faibles pour contenir l'ennemi dans certains passages et constituer des réserves suffisantes. Comme aux Glières, les parachutages ne livraient aux résistants que des armes légères, des fusils mitrailleurs, des fusils et des mitraillettes Sten, quelques mitrailleuses, des grenades, des explosifs, des bombes Gamons. Pas de mortiers ni d'armes lourdes. De même " aucun moyen de transmissions militaires, pas de liaisons radio. Nos agents de liaison se déplaçaient à pied ou à vélo " écrit le Général COSTA de BEAUREGARD (DURIEU) dans le Figaro du 21 juillet dernier.

   En revanche, les officiers et sous-officiers d'active étaient vingt fois plus nombreux qu'au plateau des Glières.

   La plupart avaient servi au 6e Bataillon de Chasseurs Alpins de Grenoble, quelques-uns au 11 eme Régiment de Cuirassiers de Lyon. Enfin, avaient été parachutés sur le Vercors des officiers français, britanniques et américains chargés de missions spéciales par Alger ou Londres et un commando américain.

   En juin 1943, le second comité de combat du Vercors comprend : le capitaine LE RAY chef militaire, CHAVANT (CLEMENT), chef civil de la Résistance qui sera fait Compagnon de la Libération, le Dr SAMUEL, le Capitaine COSTA de BEAUREGARD et Jean PREVOST.

   Le premier parachutage a lieu le 13 novembre 1943 dans la zone d'Arbounouze. Les escarmouches s'accentuent au début de l'année 1944. Les maquisards harcèlent les Allemands et réussissent quelques coups de mains mais ils perdent des officiers et plusieurs hommes dans le combat de Malleval dont parle avec émotion l'Abbé PIERRE, ancien aumônier du groupe.

   En décembre 1943, le Capitaine LE RAY abandonne le commandement militaire du Vercors désormais rattaché à la région de Lyon.

   Le capitaine GEYER (THTVOLLET) lui succède provisoirement. Ancien Officier du 1161116 Régiment de Cuirassiers de Lyon, il a constitué avec Charles LAHMERY (BOZAMBO) et d'autres anciens de son régiment un maquis dans le secteur du Grand Serre et du camp de Chambarand en novembre 1942. Le Capitaine THTVOLLET arrive au Vercors en décembre 1943, à la demande du Commandant DESCOUR, chef régional de la résistance.

   Il est accompagné d'une quarantaine d'hommes.

   Le Capitaine BOZAMBO prend le commandement du maquis du Grand Serre et livrera de durs combats aux Allemands dans la Drôme des collines. II participera à la libération de Romans.

   En avril 1944, la milice investit Vassieux, fusille 3 résistants et des civils et incendie plusieurs maisons.

   Les miliciens sont commandés par d'AGOSTINI qui, au mois de mars précédent |traquait les patriotes descendus du plateau des Glières.

   Miliciens et Allemands voudraient écraser le maquis du Vercors dont ils redoutent la puissance au moment où les armées allemandes de Normandie tentent désespérément de retarder la progression des forces alliées et françaises.

    Quant aux maquisards, ils apprennent avec enthousiasme le débarquement du 6 juin souhaitent pouvoir chasser rapidement les Allemands du Dauphiné.

   Dans la nuit du 5 au 6 juin, la BBC diffuse le message attendu : " le chamois des Alpes bondit ". A partir du 6 juin 1944, des groupes de résistants rejoignent celui du grenoblois Vallier dans le Vercors.

 D'anciens soldats de l'armée française, maghrébins et sénégalais, encadrés par leurs officiers viennent en renfort au Vercors.

 Le 9 juin, le Commandant DESCOUR (BAYARD) donne l'ordre de mobilisation et installe son PC près de Saint-Julien-en-Vercors.

   Les événements vont se précipiter.

   Le 10 juin, sur ordre du Capitaine COSTA DE BEAUREGARD, la compagnie de l’AS de Jean PREVOST (GODERVILLE) renforcée par le groupe de Loulou BOUCHIER et la compagnie du Capitaine BRISAC (BELMONT) occupent la position de Saint-Nizier qui surplombe Grenoble et permet de suivre les déplacements des Allemands dans cette portion de la vallée de l'Isère.

   Naturellement, les Allemands voudraient s'emparer de cette position stratégique. Ils attaquent le 13 dans la matinée. Le combat dure 4 heures et tourne à l'avantage des maquisards grâce à l'intervention du Lieutenant CHABAL et de ses Chasseurs Alpins.

  Le 15 juin, à l'aube, les Allemands attaquent en force et, après de durs combats pénètrent à Saint-Nizier, pillent et incendient toutes les maisons, sauf un hôtel. Leurs pertes sont lourdes.

  Suit une période relativement calme.

   Le 3 juillet, la résistance diffuse une affiche qui annonce à la population que la République Française a été officiellement restaurée dans le Vercors. A dater de ce jour les décrets de Vichy sont abolis et toutes les lois républicaines remises en vigueur.

   Le 25 juin, et le 14 juillet dans la journée, des forteresses volantes lâchent plusieurs centaines de containers sur le terrain d'aviation de Vassieux, le " taille-crayon ".

Le groupe du Lieutenant HARDY et la population transportent et cachent les armes

Le Capitaine d'aviation TOURNISSA (PAQUEBOT) saute sur Vassieux, chargé par l’Etat-Major interallié d'Alger, d'aménager le terrain pour permettre l'atterrissage d'avions chargés de troupes et de matériel lourd. Les travaux doivent se terminer le 23 juillet. Mais le 21, les hommes qui travaillent sur le terrain, la population et les maquisards aperçoivent soudain des avions arrivant du Sud qui remorquent des planeurs. Ils croient tout d'abord que se sont les appareils annoncés par Alger. Fatale erreur, les planeurs déposent plus de 200 soldats, un commando spécialement entraîné pour la répression, des SS, des Waffen SS français et des mongols. Protégés par les mitrailleuses des pilotes, les Allemands attaque avec des lance-flammes, des fusils mitrailleurs, des mitraillettes et des grenades.

   Dès le début de l'engagement, les lieutenants GRIMAUD, HARDY et l'aspirant DESCOUR, fils du commandant DESCOUR sont tués ainsi que de nombreux soldats et civils. Des scènes horribles se déroulent à Vassieux. Comme de fauves, les assaillants massacrent la population, s'acharnent sur les blessés et les prisonniers, brûlent les maisons. Quand il apprend ce qui se passe à Vassieux le Commandant HUET (HERVIEUX) demande au Capitaine THIVOLLET d'envoyer| des renforts pour encercler les commandos Allemands.

    L'opération réussit mais trois attaques du maquis échouent. La situation devient] intenable. Des avions et des planeurs apportent encore des hommes, des armes lourdes et des munitions aux allemands.

    Pendant que Vassieux brûle, la 157eme Division de Montagne du Général PFLAUM, celui qui assaillait les Glières au mois de mars précédent, attaque avec de puissants moyens au nord et à l'est du Plateau du Vercors. A 15 heures, les Allemands montent en direction de Valchevrière mais le Lieutenant CHABAL les repousse. Sur les Pas (passages dans la crête orientale du Vercors) les Allemands progressent.

   A l'aube du 23 juillet, les Allemands tirent au mortier sur les positions de Valchevrière. Ils parviennent à s'infiltrer dans le système de défense du maquis.

   A Valchevrière, l'ennemi avance malgré l'héroïque défense des Chasseurs. Le lieutenant CIIABAL debout derrière les rondins empilés sur le belvédère de Valchevrière, tire au bazooka puis au fusil mitrailleur pour arrêter l'assaut de l'ennemi. Il donne même l'ordre de contre-attaquer mais l'ennemi poursuit son offensive. Alors le Lieutenant CHABAL fait porter le message suivant au Capitaine PREVOST :

   "Je suis presque complètement encerclé. Nous nous apprêtons à faire Sidi-Brahim. Vive la France". Il tire encore. Les hommes qui l'entourent sont tués ou grièvement blessés. Soudain, il s'affaisse. C'est fini. Le maquis du Vercors perd l'un de ses plus valeureux combattants.

  A Vassieux, à Valchevrière, sur les Pas les défenses craquent, l'ennemi se dirige, vers l'intérieur du plateau.

  Devant cette situation alarmante et ne recevant aucun secours d'Alger, le Commandant HUET (HERVIEUX) donne l'ordre de dispersion.

   Pendant que les patriotes du Vercors se replient en bon ordre dans les forêts en attendant de pouvoir reprendre le combat, les Allemands ratissent le plateau torturent, fusillent des civils innocents, pillent et détruisent les maisons. Ils commettent l'un de leurs crimes les plus odieux le 27 juillet dans la grotte de la Luire où ils massacrent les 24 blessés et s'emparent des médecins et des infirmières qui seront fusillés à Grenoble ou déportés dans les camps de concentration nazis.

   Jean PREVOST (Goderville) et les cinq résistants qui l'accompagnent sont tués le 1er août à Sassenage par une patrouille allemande.

   Au total, 500 résistants et 200 civils sont morts dans le Vercors. C'est un bilan 1res lourd mais la tragédie qui a plongé de nombreuses familles dans le deuil et la tristesse prend une valeur historique et symbolique.

   Pour le Commandant Pierre TANANT, Chef d'Etat Major, " le Vercors avec ses quatre milles combattants, avec ses sept cents martyrs, avec ses mille maisons brûlées, avec toute sa souffrance accumulée et généreusement acceptée, doit demeurer dans l'histoire de notre pays comme l'un des plus beaux symboles de la volonté de la Résistance Française ".

Au Vercors comme aux Glières, des Officiers et Sous-Officiers d'active, des adultes et des jeunes gens, qui croyaient ou ne croyaient pas en Dieu, ont risqué leur vie ensemble pour leur pays, pour la République et la liberté.

 Ces hommes qui ont rendu à la France son honneur, participèrent à la libération des villes du Dauphiné.

   Le 22 août, la Compagnie du Commandant THTVOLLET et celle du Capitaine BOZAMBO qui perd deux officiers libèrent Romans.

   Le lendemain, le Commandant HERVIEUX installe son PC à Grenoble libérée.

   Le 31 août, une compagnie du Vercors et la compagnie du Commandant PONS, qui avait brillamment défendu l'accès sud du Vercors et infligé une sévère défaite aux Allen à Espenel, libèrent Valence.

   Le 2 septembre, le Colonel DESCOUR entre le premier à Lyon avec ses hommes

   Dans toute la région, les anciens du Vercors traquent les Allemands refoulés pai Américains et la première armée de DE LATTRE DE TASSIGNY et font prisonnier| millier de soldats de la 157™* Division de Montagne, qui les avaient sauvagement atl quelques jours plus tôt.

   De nombreux résistants vont poursuivre le combat dans les rangs de la première armée de DE LATTRE DE TASSIGNY avec laquelle le contact s'est était à Grenoble.

   Le 21 juillet 1946, le Général DE LATTRE DE TASSIGNY se souvenant de ce contact rend hommage aux combattants du Vercors : " Grâce à eux, grâce à l'effort de leurs forces neuves, notre Armée réussit l'amalgame qui devait en faire un miracle d’unité spirituelle par la fusion de la mystique du maquis et de nos traditions militaires des plus vivantes "...

  " L'heure de notre délivrance a été hâtée par l'action de nos maquis.

  Par les destructions qu'ils ont causées à l'armée allemande, par les pertes considérables qu'ils lui ont infligées, par la psychose de peur que leur prétendu " terrorisme » entretenait dans les rangs ennemis, ils ont joué un rôle capital dans la réussite des plans gigantesques de débarquement mis en œuvre par les Nations Unies sur les côtes Normandie et de Provence ".

   Puissent les générations actuelles et futures ne pas l'oublier.


René Peyre Notre Voix PTT Septembre 1994

jeudi 18 avril 2024

Cinquantenaire de la disparition de Marcel Pagnol et Marcel Achard


Aujourd'hui nous célébrons le cinquantième anniversaire de la disparition de Marcel Pagnol. 1974 vit aussi le décès d'un de ses plus proches amis Marcel Achard, le 4 Septembre à Paris. L'INA a archivé un reportage de François Chalais sur le Festival de Cannes 1955 présidé par Pagnol. Outre les deux compères, étaient présents, entre autres, Georges Simenon et Alexandre Korda.
La vidéo montre les deux Marcel deviser et s'asseoir sur un banc. J'aime le mouvement de croisement de leurs jambes simultané, révélateur plus que tout autre discours, de leurs liens amicaux, de leur respect mutuel. Très anecdotiquement 1955 fut l'année de ma naissance. Que le Temps passe.

dimanche 7 avril 2024

Glières : les 80 ans des ultimes combats

 


Commémoration des Glières


17/01/2020

Bonsoir Monsieur,

 

La triste nouvelle que vous nous annoncez, de la disparition de votre père René Peyre, m’affecte particulièrement car il était un ami de mon père, Albert BARAT, membre lui aussi de l’ACVG PTT 74. Ils entretenaient d’excellentes relations et nous avions le plaisir d’accueillir votre père lors des cérémonies du souvenir à Annecy.

 

Au nom de tous ceux qui portent l’héritage des Glières et en mon nom propre, nous partageons votre peine, ainsi que celle de tous vos proches.

 

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes respectueux hommages et de mes sentiments attristés.

 

Serge BARAT

Secrétaire général

Association des Glières


mercredi 13 mars 2024

Mort de l'Amiral Philippe De Gaulle

 Article de Marion Cocquet pour le journal Le Point (13/03/2024)

© CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP


Un géant s'est éteint. L'amiral Philippe de Gaulle, fils du général de Gaulle, est mort dans la nuit du mardi au mercredi 13 mars, a fait savoir sa famille auprès de BFMTV. Il était âgé de 102 ans.

Nous sommes le 9 novembre 1970. À Colombey, le Général meurt d'une rupture d'anévrisme alors qu'il attend le journal télévisé et le repas du soir, assis près de sa femme dans son fauteuil de tous les jours. On prévient les amis et les enfants. Philippe, l'aîné, arrive le lendemain à La Boisserie. Il se recueille devant le corps, l'embrasse puis, avant de faire fermer le cercueil rustique apporté par le menuisier du village, il effleure l'arrière du crâne. Pour savoir, racontera-t-il, si son père et lui avaient bien le même méplat en haut de la nuque. Affirmatif.

 

C'est la première fois ce jour-là que « l'Amiral », à près de 50 ans, touche la tête de son père. On se caressait peu, dans la famille de Gaulle, pas plus en privé qu'en public. Ce que le grand Charles avait de mots doux et de douceur dans les gestes, il le réservait à Anne, sa fille trisomique morte à 20 ans dans ses bras. Philippe, lui, eut la confiance sans les effusions ainsi qu'une exceptionnelle ressemblance avec le grand Charles : mêmes paupières lourdes, même stature haute et droite, mêmes longs bras, même façon de les écarter un peu en parlant. Même méplat.

Philippe raconte cela dans Charles de Gaulle, mon père (Plon), écrit à 80 ans avec le journaliste Michel Tauriac. Quatre-vingts ans, l'âge du Général au moment de sa disparition. Il ne songe pas à se plaindre de ces froideurs, trop occupé à restaurer la légende dorée de son père. En faisant ce livre, il voulait, disait-il, « remettre les pendules à l'heure » et effacer les mauvais procès faits à de Gaulle : son antisémitisme supposé, sa volonté prétendue d'avoir voulu « brader » l'Algérie. Le résultat est une hagiographie qui rétablit des vérités mais gomme certains épisodes pourtant bien documentés (comme lorsqu'elle nie le bras de fer entre de Gaulle et Churchill, lors de l'appel du 18 juin).

C'est un formidable succès : plus de 500 000 exemplaires sont vendus de chacun des deux tomes. Un paradoxe, aussi. En défendant la statue du Commandeur, l'Amiral quitte enfin son ombre et devient un personnage public. Y trouve-t-il du plaisir ? On peut le supposer à le voir multiplier les plateaux télé, y compris les moins adaptés à sa gravité d'un autre âge.

« Je lui étais semblable, dans le petit »

Qu'a été sa vie, avant cela ? Il naît le 28 décembre 1921, à Paris. Élève au collège Stanislas, il dévore les romans de Paul Chack, officier de marine et écrivain (qui sera exécuté à la Libération pour avoir activement collaboré avec l'occupant nazi). Très vite, Philippe s'oriente vers une carrière militaire et entre en 1940 à l'École navale. Le 18 juin, il est en route vers Londres avec sa mère et ses s?urs et « manque » l'appel de son père. Il rejoint immédiatement les Forces françaises libres, débarque en Normandie parmi les premiers, participe à la sanglante bataille d'Alsace et à la libération de Paris. Il glane là ses premières médailles.

 

Vaillant, donc. Cela allait de soi. C'est lui qui doit rappeler ses faits d'armes à son père lorsque celui-ci rédige ses Mémoires de guerre. « Ah oui, c'est vrai », répond Charles, qui ajoute alors dans le manuscrit cette phrase, un brin laconique : « Mon fils continue de se battre avec la 2e DB. »

Après-guerre, Philippe poursuit sa carrière dans la marine, une arme pourtant hostile au Général et où on lui pardonne difficilement son ascendance. Il sera, toute sa vie, soupçonné d'avoir bénéficié de hautes protections. On l'appelle Sosthène, du nom d'un vicomte de La Rochefoucauld, piètre militaire et piètre politique, connu pour avoir allongé les robes des danseuses de l'Opéra et caché à coups d'emplâtre les nudités des statues. « J'aurais pu naître fils de Pygmée ou de Bantou, confiait-il au Figaro en 2003. Le sort en a décidé autrement. Il m'a beaucoup transmis. Je lui étais semblable, dans le petit » Philippe racontait aussi qu'un jour, tout de même, le général avait posé sa grande main sur la sienne et dit : « Je sais tout, vieux garçon. Ta position n'a jamais été facile. Ce n'est pas rien d'être le fils du général de Gaulle. Mais ton attitude a toujours été celle que j'attendais de toi. »


Video associée : https://www.dailymotion.com/video/x8ubik4



vendredi 23 février 2024

Ce que je n’ai pas eu le temps de dire à mon Père

 

Le 22 Janvier 1963 le Général De Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer signèrent un traité d'amitié franco-allemande dit « traité de l’Elysée ». Ce document fixait le cadre d’une coopération bilatérale avec le double objectif d’enterrer d’une part la hache de guerre à l’issue d’une période de soixante-dix ans marquée par trois conflits dont deux mondiaux, et d’autre part la volonté gaulliste d’en faire le moteur du bloc européen. Cette volonté politique s’inscrivait au sein d’une structure économique préexistante, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) crée en 1951, remplacée par la CEE en 1957.

 

Dans la foulée du traité de l’Elysée, fut institué en 1963 l’Office franco-allemand pour la Jeunesse. René Peyre, alors chargé de mission au sein du cabinet du ministre des PTT Jacques Marette, organisa à partir de 1964 des rencontres de fils et filles de postiers français et allemands dont René Duclos repris le flambeau en 2009 à la tête de l’Association Nationale des PTT Anciens Combattants et Victimes de Guerre.

 

Le couple franco-allemand semble aujourd’hui tenir le coup, malgré quelques vicissitudes et le poids toujours plus grand d’un pays devenu en 2023 la troisième puissance économique mondiale. Sous l’influence des deux partenaires, l’Europe s’est agrandie et confortée à travers la création du Conseil européen en 1975, de l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct en 1979 ou encore la signature du traité de Maastricht (1992) et la mise en circulation d’une monnaie unique, l’euro, en 2002. L’image forte du geste de Verdun le 22 septembre 1984 entre François Mitterrand et Helmut Kohl reste dans les mémoires.

 

On a pu craindre qu’une marche à pas forcés de la réconciliation franco-allemande suscite une lecture aseptisée du passé s’exerçant au détriment du devoir de mémoire. Le fort engagement de Madame Simone Veil pour la construction européenne et le discours historique de Jacques Chirac prononcé en 1995 lors des cérémonies commémorant la grande rafle du Vel’ d’Hiv’ des 16 et 17 juillet 1942 dissipent cette inquiétude. Par ailleurs René Peyre artisan du rapprochement entre les deux pays fut un des premiers à monter au créneau, lorsqu’à la tête de l’UFAC il s’opposa à la volonté du Président Giscard d’Estaing de ne plus célébrer l'anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale au profit d’une journée de l’Europe du 9 Mai.

 

Pour ma part, je fus l’humble témoin de la persistance de cette bilatéralité. J’ai effectué ma carrière au sein de l’opérateur historique des Télécommunications. Fin des années 90, début des années 2000, le secteur était alors en pleine effervescence entre bulle spéculative boursière, stratégies d’alliances et création d’un régulateur (ARCEP). Je fus intégré au sein d’une équipe projet de refonte du système informatique descriptif et productif des réseaux de transmission français. Ce vaste projet imposait avant tout choix d’une application unique, le préalable de la création d’un langage commun, et de la fiabilisation des données utilisées par les diverses applications régionales existantes. Ce travail effectué, vint le choix du produit final. Deux candidats s’opposaient. Une base de données hexagonale bien adaptée à la complexité de notre réseau alors – une fois n’est pas coutume ! - supérieur au réseau allemand. Et une application d’Outre Rhin inadaptée. A l’époque couraient des rumeurs de stratégies d’alliance avec Deutsch Telecom. Et contre toute attente l'option politique prévalut sur l'alternative technique. Salarié d’une entreprise autrefois « simple Direction Générale » du Ministère des P.T.T, je saluai, admiratif, dans cette décision, l’ombre portée de mon père, initiateur au sein de cette administration de la réconciliation franco-allemande.

 

Jean-Louis Peyre, retraité Orange.

 

 

Sources :

 

Le traité d'amitié franco-allemand – Wikipédia

 

La Communauté économique européenne – Jules Lastennet

 

Un anniversaire morose pour le couple franco-allemand – Le Monde Diplomatique - Anne-Cécile Robert

 

Biographie : Simone Veil, fervente avocate de la construction européenne – revue Toute l’Europe, comprendre l’Europe

 

Cahiers d’Histoire, revue critique - La réconciliation franco-allemande : crédibilité et exemplarité d’un « couple à toute épreuve » ? - Valérie Rosoux

 

René Peyre a été président de l’UFAC entre 1969 et 1996 et président de l’Association Nationale des PTT Anciens Combattants et Victimes de Guerre entre 1972 et 2009.