dimanche 21 avril 2024

IL Y A 80 ANS LES COMBATS DU VERCORS

 

Les forces de la résistance en Vercors en fixant d’importants effectifs allemands ont rendu d’éminents services à la bataille de France " en cours "

Télégramme adressé le 29 juillet 1944 aux FFI Vercors par le Général KOENIG.

 

 

D'une phrase très courte, Raoul BLANCHARD, ancien recteur de l'Académie le Grenoble, auteur d'une thèse sur les Alpes, dépeint le plateau du Vercors "Un vaste berceau de prairies au milieu des forêts "

 L'air y est pur. Loin du tumulte et de la pollution des grandes villes la nature conserve son charme et sa sérénité.

 Les habitants de La Chapelle-en-Vercors, de Vassieux, des hameaux voisins et les fermes isolées consacrent leur activité à l'élevage et à l'exploitation des forêts.

      En hiver montent sur le plateau des skieurs, au printemps et en été des randonneurs t des enfants qui ont besoin de respirer l'air pur et tonifiant des montagnes du Vercors.

       Aucun des habitants ne se doute en 1940 qu'il souffrira un jour de la barbarie nazie. Les derniers combats se sont déroulés à Voreppe (Isère) et dans les Alpes. La Fance est traumatisée par une défaite foudroyante. Deux millions de soldats sont prisonniers. Une partie de la population accorde sa confiance au vieux Maréchal PETAIN. Mais des femmes et des hommes de tous âges et de sensibilités différentes auxquels le Général DE GAULLE a lancé un appel pathétique le 18 juin 1940 refusent de vivre sous le joug hitlérien et la tutelle du gouvernement de Vichy. Ils espèrent pouvoir reprendre rapidement les armes pour chasser l'occupant et rétablir la République et nos libertés. Dans tous les départements, dans l'Ain, dans les Savoies, dans la Drôme, dans l'Isère, dans l'Ardèche, en Dordogne, dans le Massif Central, dans le Limousin, en Bretagne, en Normandie, en Ile-de-France, dans le Nord, en Corse... se constituent clandestinement des maquis rattachés à des mouvements ou réseaux en contact avec l'Etat-Major de la France Libre à Londres.

      En 1941, M. Pierre DALLOZ, inspecteur des sites, résidant à Sassenage, pense que le Vercors, forteresse naturelle d'accès difficile, constituerait une position stratégique très importante si les troupes alliées débarquaient en Provence.

      Son ami, l'écrivain Jean PREVOST, partage ce sentiment. En novembre 1942, Pierre LOZ soumet à Yves FARGES, journaliste à "Franc-Tireur", à Lyon, un plan d’utilisation militaire du Vercors supervisé par le capitaine LE RAY. Yves FARGES transmet le plan « montagnards " à Jean MOULIN qui donne son accord le 31 janvier 1943.

     Le 10 février 1943, Pierre DALLOZ et Yves FARGES remettent le plan « montagnards " au Général DELESTRAINT, chef de l'Armée secrète, qui l'adopte et le présente au Général DE GAULLE en mars 1943.

    Malheureusement, le Général DELESTRAINT et Jean MOULIN, dont l'insistance aurait sans doute été déterminante, sont arrêtés, l'un à Paris, l'autre à Lyon en juin 1943. La Gestapo les a éliminés.

  A la fin de l'année, Pierre DALLOZ rencontre à Alger le Colonel PASSY (chef BCRA) et le Colonel BILLOTTE, secrétaire général du Comité de défense national proches collaborateurs du Général DE GAULLE. II souligne l'intérêt de son plan dev deux autres colonels " dont les préoccupations, écrit-il, n'étaient pas celles que j'aurais cru »

   Quand Eugène CHAVANT (CLEMENT) se rend à son tour à Alger en Mai 1944 constate avec amertume que le plan "montagnards" n'a pas été transmis à l’état-major interallié.

    Mais il rencontre Jacques SOUSTELLE qui lui promet qu'Alger interviendrait si les Allemands lançaient une grande offensive contre le Vercors.

    Hélas la promesse ne fut pas tenue, et CLEMENT le reprochera très vivement aux autorités civiles et militaires d'Alger.

   Quoique plus modéré dans ses propos le Commandant HUET terminera ainsi le message transmis par radio le 23 juillet au soir à Alger : " Tous ont fait courageusement leur devoir dans une lutte désespérée et portent la tristesse d'avoir dû céder sous nombre et' d'avoir été abandonnés seuls au moment du combat ".

   L'attitude de l'Etat Major interallié est d'autant plus surprenante qu'il n'ignorait pas] l'existence et l'intérêt du maquis du Vercors constitué au début de l'année 1943 par un comité comprenant Pierre DALLOZ et ses amis et les responsables du mouvement Franc-Tireur du Dauphiné.

   Le premier maquis est créé à Ambel, au sud de la forêt de Lente en janvier 1943. Au fur et à mesure de l'arrivée de volontaires et de groupes constitués dans les vallées une dizaine de maquis s'installent dans les divers secteurs du Vercors.

   En 1943, le Vercors abritait environ 400 maquisards. En juin 1944, il en comptait environ 4 000. Pourtant, en raison de l'étendue du Massif, les effectifs étaient trop faibles pour contenir l'ennemi dans certains passages et constituer des réserves suffisantes. Comme aux Glières, les parachutages ne livraient aux résistants que des armes légères, des fusils mitrailleurs, des fusils et des mitraillettes Sten, quelques mitrailleuses, des grenades, des explosifs, des bombes Gamons. Pas de mortiers ni d'armes lourdes. De même " aucun moyen de transmissions militaires, pas de liaisons radio. Nos agents de liaison se déplaçaient à pied ou à vélo " écrit le Général COSTA de BEAUREGARD (DURIEU) dans le Figaro du 21 juillet dernier.

   En revanche, les officiers et sous-officiers d'active étaient vingt fois plus nombreux qu'au plateau des Glières.

   La plupart avaient servi au 6e Bataillon de Chasseurs Alpins de Grenoble, quelques-uns au 11 eme Régiment de Cuirassiers de Lyon. Enfin, avaient été parachutés sur le Vercors des officiers français, britanniques et américains chargés de missions spéciales par Alger ou Londres et un commando américain.

   En juin 1943, le second comité de combat du Vercors comprend : le capitaine LE RAY chef militaire, CHAVANT (CLEMENT), chef civil de la Résistance qui sera fait Compagnon de la Libération, le Dr SAMUEL, le Capitaine COSTA de BEAUREGARD et Jean PREVOST.

   Le premier parachutage a lieu le 13 novembre 1943 dans la zone d'Arbounouze. Les escarmouches s'accentuent au début de l'année 1944. Les maquisards harcèlent les Allemands et réussissent quelques coups de mains mais ils perdent des officiers et plusieurs hommes dans le combat de Malleval dont parle avec émotion l'Abbé PIERRE, ancien aumônier du groupe.

   En décembre 1943, le Capitaine LE RAY abandonne le commandement militaire du Vercors désormais rattaché à la région de Lyon.

   Le capitaine GEYER (THTVOLLET) lui succède provisoirement. Ancien Officier du 1161116 Régiment de Cuirassiers de Lyon, il a constitué avec Charles LAHMERY (BOZAMBO) et d'autres anciens de son régiment un maquis dans le secteur du Grand Serre et du camp de Chambarand en novembre 1942. Le Capitaine THTVOLLET arrive au Vercors en décembre 1943, à la demande du Commandant DESCOUR, chef régional de la résistance.

   Il est accompagné d'une quarantaine d'hommes.

   Le Capitaine BOZAMBO prend le commandement du maquis du Grand Serre et livrera de durs combats aux Allemands dans la Drôme des collines. II participera à la libération de Romans.

   En avril 1944, la milice investit Vassieux, fusille 3 résistants et des civils et incendie plusieurs maisons.

   Les miliciens sont commandés par d'AGOSTINI qui, au mois de mars précédent |traquait les patriotes descendus du plateau des Glières.

   Miliciens et Allemands voudraient écraser le maquis du Vercors dont ils redoutent la puissance au moment où les armées allemandes de Normandie tentent désespérément de retarder la progression des forces alliées et françaises.

    Quant aux maquisards, ils apprennent avec enthousiasme le débarquement du 6 juin souhaitent pouvoir chasser rapidement les Allemands du Dauphiné.

   Dans la nuit du 5 au 6 juin, la BBC diffuse le message attendu : " le chamois des Alpes bondit ". A partir du 6 juin 1944, des groupes de résistants rejoignent celui du grenoblois Vallier dans le Vercors.

 D'anciens soldats de l'armée française, maghrébins et sénégalais, encadrés par leurs officiers viennent en renfort au Vercors.

 Le 9 juin, le Commandant DESCOUR (BAYARD) donne l'ordre de mobilisation et installe son PC près de Saint-Julien-en-Vercors.

   Les événements vont se précipiter.

   Le 10 juin, sur ordre du Capitaine COSTA DE BEAUREGARD, la compagnie de l’AS de Jean PREVOST (GODERVILLE) renforcée par le groupe de Loulou BOUCHIER et la compagnie du Capitaine BRISAC (BELMONT) occupent la position de Saint-Nizier qui surplombe Grenoble et permet de suivre les déplacements des Allemands dans cette portion de la vallée de l'Isère.

   Naturellement, les Allemands voudraient s'emparer de cette position stratégique. Ils attaquent le 13 dans la matinée. Le combat dure 4 heures et tourne à l'avantage des maquisards grâce à l'intervention du Lieutenant CHABAL et de ses Chasseurs Alpins.

  Le 15 juin, à l'aube, les Allemands attaquent en force et, après de durs combats pénètrent à Saint-Nizier, pillent et incendient toutes les maisons, sauf un hôtel. Leurs pertes sont lourdes.

  Suit une période relativement calme.

   Le 3 juillet, la résistance diffuse une affiche qui annonce à la population que la République Française a été officiellement restaurée dans le Vercors. A dater de ce jour les décrets de Vichy sont abolis et toutes les lois républicaines remises en vigueur.

   Le 25 juin, et le 14 juillet dans la journée, des forteresses volantes lâchent plusieurs centaines de containers sur le terrain d'aviation de Vassieux, le " taille-crayon ".

Le groupe du Lieutenant HARDY et la population transportent et cachent les armes

Le Capitaine d'aviation TOURNISSA (PAQUEBOT) saute sur Vassieux, chargé par l’Etat-Major interallié d'Alger, d'aménager le terrain pour permettre l'atterrissage d'avions chargés de troupes et de matériel lourd. Les travaux doivent se terminer le 23 juillet. Mais le 21, les hommes qui travaillent sur le terrain, la population et les maquisards aperçoivent soudain des avions arrivant du Sud qui remorquent des planeurs. Ils croient tout d'abord que se sont les appareils annoncés par Alger. Fatale erreur, les planeurs déposent plus de 200 soldats, un commando spécialement entraîné pour la répression, des SS, des Waffen SS français et des mongols. Protégés par les mitrailleuses des pilotes, les Allemands attaque avec des lance-flammes, des fusils mitrailleurs, des mitraillettes et des grenades.

   Dès le début de l'engagement, les lieutenants GRIMAUD, HARDY et l'aspirant DESCOUR, fils du commandant DESCOUR sont tués ainsi que de nombreux soldats et civils. Des scènes horribles se déroulent à Vassieux. Comme de fauves, les assaillants massacrent la population, s'acharnent sur les blessés et les prisonniers, brûlent les maisons. Quand il apprend ce qui se passe à Vassieux le Commandant HUET (HERVIEUX) demande au Capitaine THIVOLLET d'envoyer| des renforts pour encercler les commandos Allemands.

    L'opération réussit mais trois attaques du maquis échouent. La situation devient] intenable. Des avions et des planeurs apportent encore des hommes, des armes lourdes et des munitions aux allemands.

    Pendant que Vassieux brûle, la 157eme Division de Montagne du Général PFLAUM, celui qui assaillait les Glières au mois de mars précédent, attaque avec de puissants moyens au nord et à l'est du Plateau du Vercors. A 15 heures, les Allemands montent en direction de Valchevrière mais le Lieutenant CHABAL les repousse. Sur les Pas (passages dans la crête orientale du Vercors) les Allemands progressent.

   A l'aube du 23 juillet, les Allemands tirent au mortier sur les positions de Valchevrière. Ils parviennent à s'infiltrer dans le système de défense du maquis.

   A Valchevrière, l'ennemi avance malgré l'héroïque défense des Chasseurs. Le lieutenant CIIABAL debout derrière les rondins empilés sur le belvédère de Valchevrière, tire au bazooka puis au fusil mitrailleur pour arrêter l'assaut de l'ennemi. Il donne même l'ordre de contre-attaquer mais l'ennemi poursuit son offensive. Alors le Lieutenant CHABAL fait porter le message suivant au Capitaine PREVOST :

   "Je suis presque complètement encerclé. Nous nous apprêtons à faire Sidi-Brahim. Vive la France". Il tire encore. Les hommes qui l'entourent sont tués ou grièvement blessés. Soudain, il s'affaisse. C'est fini. Le maquis du Vercors perd l'un de ses plus valeureux combattants.

  A Vassieux, à Valchevrière, sur les Pas les défenses craquent, l'ennemi se dirige, vers l'intérieur du plateau.

  Devant cette situation alarmante et ne recevant aucun secours d'Alger, le Commandant HUET (HERVIEUX) donne l'ordre de dispersion.

   Pendant que les patriotes du Vercors se replient en bon ordre dans les forêts en attendant de pouvoir reprendre le combat, les Allemands ratissent le plateau torturent, fusillent des civils innocents, pillent et détruisent les maisons. Ils commettent l'un de leurs crimes les plus odieux le 27 juillet dans la grotte de la Luire où ils massacrent les 24 blessés et s'emparent des médecins et des infirmières qui seront fusillés à Grenoble ou déportés dans les camps de concentration nazis.

   Jean PREVOST (Goderville) et les cinq résistants qui l'accompagnent sont tués le 1er août à Sassenage par une patrouille allemande.

   Au total, 500 résistants et 200 civils sont morts dans le Vercors. C'est un bilan 1res lourd mais la tragédie qui a plongé de nombreuses familles dans le deuil et la tristesse prend une valeur historique et symbolique.

   Pour le Commandant Pierre TANANT, Chef d'Etat Major, " le Vercors avec ses quatre milles combattants, avec ses sept cents martyrs, avec ses mille maisons brûlées, avec toute sa souffrance accumulée et généreusement acceptée, doit demeurer dans l'histoire de notre pays comme l'un des plus beaux symboles de la volonté de la Résistance Française ".

Au Vercors comme aux Glières, des Officiers et Sous-Officiers d'active, des adultes et des jeunes gens, qui croyaient ou ne croyaient pas en Dieu, ont risqué leur vie ensemble pour leur pays, pour la République et la liberté.

 Ces hommes qui ont rendu à la France son honneur, participèrent à la libération des villes du Dauphiné.

   Le 22 août, la Compagnie du Commandant THTVOLLET et celle du Capitaine BOZAMBO qui perd deux officiers libèrent Romans.

   Le lendemain, le Commandant HERVIEUX installe son PC à Grenoble libérée.

   Le 31 août, une compagnie du Vercors et la compagnie du Commandant PONS, qui avait brillamment défendu l'accès sud du Vercors et infligé une sévère défaite aux Allen à Espenel, libèrent Valence.

   Le 2 septembre, le Colonel DESCOUR entre le premier à Lyon avec ses hommes

   Dans toute la région, les anciens du Vercors traquent les Allemands refoulés pai Américains et la première armée de DE LATTRE DE TASSIGNY et font prisonnier| millier de soldats de la 157™* Division de Montagne, qui les avaient sauvagement atl quelques jours plus tôt.

   De nombreux résistants vont poursuivre le combat dans les rangs de la première armée de DE LATTRE DE TASSIGNY avec laquelle le contact s'est était à Grenoble.

   Le 21 juillet 1946, le Général DE LATTRE DE TASSIGNY se souvenant de ce contact rend hommage aux combattants du Vercors : " Grâce à eux, grâce à l'effort de leurs forces neuves, notre Armée réussit l'amalgame qui devait en faire un miracle d’unité spirituelle par la fusion de la mystique du maquis et de nos traditions militaires des plus vivantes "...

  " L'heure de notre délivrance a été hâtée par l'action de nos maquis.

  Par les destructions qu'ils ont causées à l'armée allemande, par les pertes considérables qu'ils lui ont infligées, par la psychose de peur que leur prétendu " terrorisme » entretenait dans les rangs ennemis, ils ont joué un rôle capital dans la réussite des plans gigantesques de débarquement mis en œuvre par les Nations Unies sur les côtes Normandie et de Provence ".

   Puissent les générations actuelles et futures ne pas l'oublier.


René Peyre Notre Voix PTT Septembre 1994

jeudi 18 avril 2024

Cinquantenaire de la disparition de Marcel Pagnol et Marcel Achard


Aujourd'hui nous célébrons le cinquantième anniversaire de la disparition de Marcel Pagnol. 1974 vit aussi le décès d'un de ses plus proches amis Marcel Achard, le 4 Septembre à Paris. L'INA a archivé un reportage de François Chalais sur le Festival de Cannes 1955 présidé par Pagnol. Outre les deux compères, étaient présents, entre autres, Georges Simenon et Alexandre Korda.
La vidéo montre les deux Marcel deviser et s'asseoir sur un banc. J'aime le mouvement de croisement de leurs jambes simultané, révélateur plus que tout autre discours, de leurs liens amicaux, de leur respect mutuel. Très anecdotiquement 1955 fut l'année de ma naissance. Que le Temps passe.

dimanche 7 avril 2024

Glières : les 80 ans des ultimes combats

 


Commémoration des Glières


17/01/2020

Bonsoir Monsieur,

 

La triste nouvelle que vous nous annoncez, de la disparition de votre père René Peyre, m’affecte particulièrement car il était un ami de mon père, Albert BARAT, membre lui aussi de l’ACVG PTT 74. Ils entretenaient d’excellentes relations et nous avions le plaisir d’accueillir votre père lors des cérémonies du souvenir à Annecy.

 

Au nom de tous ceux qui portent l’héritage des Glières et en mon nom propre, nous partageons votre peine, ainsi que celle de tous vos proches.

 

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes respectueux hommages et de mes sentiments attristés.

 

Serge BARAT

Secrétaire général

Association des Glières


mercredi 13 mars 2024

Mort de l'Amiral Philippe De Gaulle

 Article de Marion Cocquet pour le journal Le Point (13/03/2024)

© CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP


Un géant s'est éteint. L'amiral Philippe de Gaulle, fils du général de Gaulle, est mort dans la nuit du mardi au mercredi 13 mars, a fait savoir sa famille auprès de BFMTV. Il était âgé de 102 ans.

Nous sommes le 9 novembre 1970. À Colombey, le Général meurt d'une rupture d'anévrisme alors qu'il attend le journal télévisé et le repas du soir, assis près de sa femme dans son fauteuil de tous les jours. On prévient les amis et les enfants. Philippe, l'aîné, arrive le lendemain à La Boisserie. Il se recueille devant le corps, l'embrasse puis, avant de faire fermer le cercueil rustique apporté par le menuisier du village, il effleure l'arrière du crâne. Pour savoir, racontera-t-il, si son père et lui avaient bien le même méplat en haut de la nuque. Affirmatif.

 

C'est la première fois ce jour-là que « l'Amiral », à près de 50 ans, touche la tête de son père. On se caressait peu, dans la famille de Gaulle, pas plus en privé qu'en public. Ce que le grand Charles avait de mots doux et de douceur dans les gestes, il le réservait à Anne, sa fille trisomique morte à 20 ans dans ses bras. Philippe, lui, eut la confiance sans les effusions ainsi qu'une exceptionnelle ressemblance avec le grand Charles : mêmes paupières lourdes, même stature haute et droite, mêmes longs bras, même façon de les écarter un peu en parlant. Même méplat.

Philippe raconte cela dans Charles de Gaulle, mon père (Plon), écrit à 80 ans avec le journaliste Michel Tauriac. Quatre-vingts ans, l'âge du Général au moment de sa disparition. Il ne songe pas à se plaindre de ces froideurs, trop occupé à restaurer la légende dorée de son père. En faisant ce livre, il voulait, disait-il, « remettre les pendules à l'heure » et effacer les mauvais procès faits à de Gaulle : son antisémitisme supposé, sa volonté prétendue d'avoir voulu « brader » l'Algérie. Le résultat est une hagiographie qui rétablit des vérités mais gomme certains épisodes pourtant bien documentés (comme lorsqu'elle nie le bras de fer entre de Gaulle et Churchill, lors de l'appel du 18 juin).

C'est un formidable succès : plus de 500 000 exemplaires sont vendus de chacun des deux tomes. Un paradoxe, aussi. En défendant la statue du Commandeur, l'Amiral quitte enfin son ombre et devient un personnage public. Y trouve-t-il du plaisir ? On peut le supposer à le voir multiplier les plateaux télé, y compris les moins adaptés à sa gravité d'un autre âge.

« Je lui étais semblable, dans le petit »

Qu'a été sa vie, avant cela ? Il naît le 28 décembre 1921, à Paris. Élève au collège Stanislas, il dévore les romans de Paul Chack, officier de marine et écrivain (qui sera exécuté à la Libération pour avoir activement collaboré avec l'occupant nazi). Très vite, Philippe s'oriente vers une carrière militaire et entre en 1940 à l'École navale. Le 18 juin, il est en route vers Londres avec sa mère et ses s?urs et « manque » l'appel de son père. Il rejoint immédiatement les Forces françaises libres, débarque en Normandie parmi les premiers, participe à la sanglante bataille d'Alsace et à la libération de Paris. Il glane là ses premières médailles.

 

Vaillant, donc. Cela allait de soi. C'est lui qui doit rappeler ses faits d'armes à son père lorsque celui-ci rédige ses Mémoires de guerre. « Ah oui, c'est vrai », répond Charles, qui ajoute alors dans le manuscrit cette phrase, un brin laconique : « Mon fils continue de se battre avec la 2e DB. »

Après-guerre, Philippe poursuit sa carrière dans la marine, une arme pourtant hostile au Général et où on lui pardonne difficilement son ascendance. Il sera, toute sa vie, soupçonné d'avoir bénéficié de hautes protections. On l'appelle Sosthène, du nom d'un vicomte de La Rochefoucauld, piètre militaire et piètre politique, connu pour avoir allongé les robes des danseuses de l'Opéra et caché à coups d'emplâtre les nudités des statues. « J'aurais pu naître fils de Pygmée ou de Bantou, confiait-il au Figaro en 2003. Le sort en a décidé autrement. Il m'a beaucoup transmis. Je lui étais semblable, dans le petit » Philippe racontait aussi qu'un jour, tout de même, le général avait posé sa grande main sur la sienne et dit : « Je sais tout, vieux garçon. Ta position n'a jamais été facile. Ce n'est pas rien d'être le fils du général de Gaulle. Mais ton attitude a toujours été celle que j'attendais de toi. »


Video associée : https://www.dailymotion.com/video/x8ubik4



vendredi 23 février 2024

Ce que je n’ai pas eu le temps de dire à mon Père

 

Le 22 Janvier 1963 le Général De Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer signèrent un traité d'amitié franco-allemande dit « traité de l’Elysée ». Ce document fixait le cadre d’une coopération bilatérale avec le double objectif d’enterrer d’une part la hache de guerre à l’issue d’une période de soixante-dix ans marquée par trois conflits dont deux mondiaux, et d’autre part la volonté gaulliste d’en faire le moteur du bloc européen. Cette volonté politique s’inscrivait au sein d’une structure économique préexistante, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) crée en 1951, remplacée par la CEE en 1957.

 

Dans la foulée du traité de l’Elysée, fut institué en 1963 l’Office franco-allemand pour la Jeunesse. René Peyre, alors chargé de mission au sein du cabinet du ministre des PTT Jacques Marette, organisa à partir de 1964 des rencontres de fils et filles de postiers français et allemands dont René Duclos repris le flambeau en 2009 à la tête de l’Association Nationale des PTT Anciens Combattants et Victimes de Guerre.

 

Le couple franco-allemand semble aujourd’hui tenir le coup, malgré quelques vicissitudes et le poids toujours plus grand d’un pays devenu en 2023 la troisième puissance économique mondiale. Sous l’influence des deux partenaires, l’Europe s’est agrandie et confortée à travers la création du Conseil européen en 1975, de l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct en 1979 ou encore la signature du traité de Maastricht (1992) et la mise en circulation d’une monnaie unique, l’euro, en 2002. L’image forte du geste de Verdun le 22 septembre 1984 entre François Mitterrand et Helmut Kohl reste dans les mémoires.

 

On a pu craindre qu’une marche à pas forcés de la réconciliation franco-allemande suscite une lecture aseptisée du passé s’exerçant au détriment du devoir de mémoire. Le fort engagement de Madame Simone Veil pour la construction européenne et le discours historique de Jacques Chirac prononcé en 1995 lors des cérémonies commémorant la grande rafle du Vel’ d’Hiv’ des 16 et 17 juillet 1942 dissipent cette inquiétude. Par ailleurs René Peyre artisan du rapprochement entre les deux pays fut un des premiers à monter au créneau, lorsqu’à la tête de l’UFAC il s’opposa à la volonté du Président Giscard d’Estaing de ne plus célébrer l'anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale au profit d’une journée de l’Europe du 9 Mai.

 

Pour ma part, je fus l’humble témoin de la persistance de cette bilatéralité. J’ai effectué ma carrière au sein de l’opérateur historique des Télécommunications. Fin des années 90, début des années 2000, le secteur était alors en pleine effervescence entre bulle spéculative boursière, stratégies d’alliances et création d’un régulateur (ARCEP). Je fus intégré au sein d’une équipe projet de refonte du système informatique descriptif et productif des réseaux de transmission français. Ce vaste projet imposait avant tout choix d’une application unique, le préalable de la création d’un langage commun, et de la fiabilisation des données utilisées par les diverses applications régionales existantes. Ce travail effectué, vint le choix du produit final. Deux candidats s’opposaient. Une base de données hexagonale bien adaptée à la complexité de notre réseau alors – une fois n’est pas coutume ! - supérieur au réseau allemand. Et une application d’Outre Rhin inadaptée. A l’époque couraient des rumeurs de stratégies d’alliance avec Deutsch Telecom. Et contre toute attente l'option politique prévalut sur l'alternative technique. Salarié d’une entreprise autrefois « simple Direction Générale » du Ministère des P.T.T, je saluai, admiratif, dans cette décision, l’ombre portée de mon père, initiateur au sein de cette administration de la réconciliation franco-allemande.

 

Jean-Louis Peyre, retraité Orange.

 

 

Sources :

 

Le traité d'amitié franco-allemand – Wikipédia

 

La Communauté économique européenne – Jules Lastennet

 

Un anniversaire morose pour le couple franco-allemand – Le Monde Diplomatique - Anne-Cécile Robert

 

Biographie : Simone Veil, fervente avocate de la construction européenne – revue Toute l’Europe, comprendre l’Europe

 

Cahiers d’Histoire, revue critique - La réconciliation franco-allemande : crédibilité et exemplarité d’un « couple à toute épreuve » ? - Valérie Rosoux

 

René Peyre a été président de l’UFAC entre 1969 et 1996 et président de l’Association Nationale des PTT Anciens Combattants et Victimes de Guerre entre 1972 et 2009.

samedi 8 juillet 2023

Léon Gauthier 1922 - 2023

 


Dernier membre vivant du commando Kieffer, cette unité d'élite française qui débarqua sur les plages de Normandie le 6 juin 1944, Léon Gauthier vient de décéder le 3 juillet 2023 à Caen. Apprenti carrossier, il avait intégré la marine à l'âge de 17 ans et rejoint les Forces Françaises Libres du Général de Gaulle.

L'exemplarité de son destin a été évoqué par le Président Macron lors de l'hommage national rendu à Ouistreham où l'ancien Fusillier marin avait élu résidence. M'est alors revenue en mémoire la séquence finale du film Il faut sauver le soldat Ryan, qu'affectionnait notre père. 

Avons nous tous eu, Français, une existence, un comportement, une solidarité qui justifièrent un tel sacrifice ? J'ai un doute.



lundi 8 mai 2023

Les 80 ans de la mort de Jean Moulin

 



Les lignes qui suivent sont extraites d’un article de René Peyre publié en Septembre 2002 dans le journal des anciens combattants PTT « Notre voix ». Intitulé « Destin » il relatait la publication d’un livre d’entretien de Laure Adler avec Pierre de Benouville sur son parcours et ses années de résistance. René Peyre en fait une lecture critique et aborde le chapitre dramatique de l’arrestation de Jean Moulin le 21 Juin 1943 par les troupes de Barbie.

  

 … A Lyon, capitale de la résistance, l'étau se resserrait autour des dirigeants de l'armée secrète (AS).

La Gestapo et la milice procédaient à de nombreuses arrestations e| recherchaient MAX (Jean MOULIN).

 Le Général DELESTRAINT promu chef d'Etat major de l'AS voulu rencontrer à Paris René HARDY responsable du sabotage ferroviaire.

 Henri AUBRY chef d'Etat major adjoint écrivit en clair à HARDY (DIDOT) e fit déposer la correspondance dans une boîte aux lettres qu'il savait surveillée par les allemands.

 Son imprudence, ou sa trahison, provoqua une cascade d'événements graves : l'arrestation de HARDY en gare de Chalon-sur-Saône, celle du Général DELESTRAINT à Paris et celle des résistants réunis à Caluire.

 Apprenant l'arrestation du Général DELESTRAINT, Jean MOULIN décida de convoquer rapidement une réunion pour désigner son remplaçant. La réunion eut lieu le 21 juin 1944 à Caluire dans la villa du Dr DUGOUJON.

 Cette villa ne comportait aucune issue de secours. D'autre part, les organisateurs n'estimèrent pas nécessaire d'assurer la protection de la réunion. C'est tout de même surprenant !

 Réunion prévue à 14H30.

 AUBRY, HARDY et LASSAGNE arrivent à 14H20. Jean MOULIN, Raymond AUBRAC et CHWARTZFELD n'arrivent qu'à 15 heures.

 Cinq minutes plus tard, BARBIE et ses hommes pénètrent dans la villa et arrêtent tous les résistants, sauf René HARDY, qui parvient à s'enfuir d'une manière rocambolesque, il est vrai !

 BARBIE a réussi son coup de filet. L'AS est décapitée. Il sait que parmi les prisonniers se trouve Jean MOULIN (MAX), le représentant du Général DE GAULLE en France. La résistance accuse le coup et prend immédiatement les dispositions nécessaires pour limiter les conséquences de l'opération de Caluire. Tous les prisonniers, sauf HARDY, sont transférés dans les locaux de l'école de santé militaire de Lyon, avenue Berthelot, siège de la Gestapo. Dans les caves, sous la torture, les interrogatoires commencent.

 Ladislas DE HOYOS, dans son livre « BARBIE » se réfère au souvenir de Raymond AUBRAC : « J'ai vu AUBRY dans la cour de Montluc, torse nu, il était noir de coups. Il m'a dit : J'ai été battu, j'ai parlé ! ».

 Pierre PEAN dans « Vies et morts de Jean MOULIN » écrit : « Depuis le 27 Juin, MISSELWITZ a pris en charge Henri AUBRY. Au bout d'une semaine, grâce à AUBRY, il connaît tout ou presque tout de ce qui s'est passé à Caluire, tout de l’armée secrète, tout des MUR (Mouvements Unis de Résistance), tout de « Combat ». AUBRY crache tout ce qu'il sait sur la résistance ». Jacques BAUMEL son livre « Résister »: «Quand les nazis ont arrêté nos camarades, ils ne savaient pas lequel était MOULIN.  Ils se sont affreusement acharnés sur LASSAGNE qu'ils avaient d'abord pris pour le délégué du Général DE GAULLE. Puis est venu le tour d'Henri AUBRY qui, lui aussi, aura été épouvantablement martyrisé. Il semble établi aujourd'hui que c'est lui qui a désigné MOULIN à ses bourreaux ».

 AUBRY fut libéré en Novembre 43.

 Ladislas DE HOYOS dans son livre « BARBIE » cite ce témoignage de Christian PINEAU chargé par les allemands de raser MOULIN dans la cour de la prison du fort Montluc à Lyon : « MAX a perdu connaissance, ses yeux sont creusés comme si on les avait enfoncés dans sa tête, je me penche sur MAX, celui-ci prononce cinq ou six mots en anglais que je ne comprends pas ».

 Christian PINEAU m'a décrit cette scène et je me suis posé la question pourquoi Jean MOULIN s'exprimait-il en anglais plutôt qu'en français, ne voulait-il pas faire passer un message, donner une piste ?

 Quoi qu'il en soit, après les interrogatoires de BARBIE à Lyon, les prisonniers vont subir les interrogatoires des agents d'Oberg et de Knochen dans les servie la Gestapo avenue Foch à Paris, sauf HARDY en cavale et AUBRAC maintenu dans la prison Montluc à Lyon d'où il s'évadera au cours d'une opération montée par Lucie AUBRAC et quatorze hommes des groupes francs.

 Un autre résistant arrêté à Caluire, Bruno LARAT, durement interrogé à Lyon est déporté dans le camps de Dora où il meurt d'une pneumonie en avril 44. Transféré à Paris en voiture en raison de son état de santé, Jean MOULIN meurt le 8 juillet 43 dans le train qui le conduit en Allemagne.

 Evidemment, au lendemain du drame de Caluire, les chefs de la résistai recherchent le traître qui a livré leurs camarades à la gestapo. Pierre PEAN écrit dans son livre « Vies et morts de Jean MOULIN » : « Dans le camp des amis collaborateurs de Jean MOULIN et autour de Lucie AUBRAC on est persuadé que le traître de Caluire n'est autre que René HARDY ». Lucie AUBRAC est même chargée de l'empoisonner en lui faisant parvenir un petit pot de confiture agrémenté de cyanure.

 Ecoutons Jacques BAYNAC auteur du livre « Les secrets de l'affaire Jean MOULIN » : « Le 21 c'est sur les pas de Jean MOULIN, dans les cinq minutes suivent son entrée chez le docteur DUGOUJON que BARBIE et ses hommes font irruption. S'ils y étaient arrivés en filant HARDY ils auraient surgi quarante minutes plus tôt et MOULIN alerté par le remue-ménage, les voitures, les gardes armés, les badauds attroupés, aurait passé son chemin ». Cela paraît évident.

 René HARDY a comparu deux fois devant un tribunal. Deux fois il a été acquitté. J'ai assisté aux deux procès. René HARDY était défendu par Maître Maurice GARÇON un des ténors du barreau de l'époque. Au cours du deuxième procès Maître Maurice GARÇON a vivement interpellé un témoin, Mme DELETRAZ.

 Mme DELETRAZ a prétendu que BARBIE lui avait demandé de suivre HARDY et qu'elle avait tenté de prévenir la résistance. Pierre PEAN parlant de cet agent double écrit : « Elle avait déjà prouvé son dévouement à Klaus BARBIE et à son amant MOOG, agent de la Gestapo, en permettant l'arrestation à Mâcon de Bertie ALBRECHT, l'adjointe et l'amie d'Henri FRENAY le chef du mouvement « Combat ». Quelques jours auparavant, Bertie ALBRECHT et Henri FRENAY séjournaient à Cluny chez M. et Mme GOUZE futurs beaux-parents de Francois MITTERRAND.

 Jacques BAUMEL, Secrétaire Général des MUR nourrit la plus grande admiration pour Bertie ALBRECHT arrêtée le 28 mai 1943 à Mâcon, inhumée au cimetière de Fresnes le 7 juin 1943.

Bertie ALBRECHT écrit-il « l'une des plus pures héroïnes de la résistance » croix de la libération à titre posthume « a probablement eu le tort de mourir. La postérité aime assez les grands témoins encore vivants, dont on fait des idoles qui vont dans les écoles et sur les plateaux de télévision ».

Revenons au drame de Caluire.

HARDY est-il un traître ou plutôt un bouc émissaire ? En l'accusant voulait-t' on, veut-on encore protéger une personne ou un groupe de personnes ? Ne disait-il pas : « J'ai été cocu dans cette affaire ? ».

 Pierre de BENOUVILLE a témoigné en faveur de son ami René HARDY au cours des deux procès. Il l'a protégé jusqu'à sa mort. Mais il lui a reproché d'avoir écrit dans son livre « Derniers mots » qu'il l'avait prévenu de son arrestation. C'est surprenant. D'autant plus que Pierre PEAN écrit dans « Les diaboliques de Caluire » : BENOUVILLE savait fort bien que HARDY avait été arrêté par les allemands dans train de Paris dans la nuit du 7 au 8 juin 43, ainsi qu'il m'en a lui-même fait plusieurs fois la confidence ». C'est un témoignage irréfragable.

 Pierre de BENOUVILLE dira à Laure ADLER : « J'ai la preuve que HARDY n'a pas trahi ». C'est dommage qu'il n'ait pas jugé opportun de donner cette preuve avant de mourir.

 Le téléfilm d'Yves BOISSET proposé sur la 2eme chaîne de télévision le 16 juillet dernier m'a déçu. Il n'apporte aucun élément nouveau et ne respecte pas la vérité historique. Le réalisateur montre MOOG, agent de la Gestapo qui suit HARDY dans les rues de Caluire. Il ne montre pas Mme DELETRAZ qui précédait les allemands. Quand on veut appeler l'attention de la population sur un événement historique, l'honnêteté intellectuelle exige que l'on vérifie ses sources et que l'on n’essaye pas d'escamoter la vérité. Le lendemain, dans le « Parisien » du 17 juillet un journaliste rendant compte de l'émission écrivait : « Le film fait état de trahisons qui ont vraiment existé et laissent entendre que d'anciens membres de la cagoule auraient aussi une responsabilité dans le drame ».

 Est-ce une autre piste ? Quel rôle a véritablement joué Lydie BASTIEN ?

 De très nombreux historiens et journalistes ont écrit des livres sur le drame de Caluire dans lesquels ils publient des documents, des interviews de BARBIE, du couple AUBRAC, de BENOUVILLE, du Dr DUGOUJON, de l'avocat VERGES, de Lydie BASTIEN. Lucie AUBRAC a fait condamner Gérard CHAUVY, qui dans son livre « AUBRAC » se posait des questions sur les évasions de Raymond AUBRAC à Lyon, et sur les contacts de Lucie AUBRAC avec Klaus BARBIE...

 Faut-il supposer que le drame de Caluire est la conséquence d'une trahison, d’une vengeance, d'un complot ? Faut-il croire René HARDY lorsqu'il écrit : « Il n'y a pas un coupable, je crois simplement que certains d'entre nous n'avaient pas pris de précautions suffisantes ». Le drame de Caluire restera sans doute une énigme et fera encore couler beaucoup d'encre. Quoi qu'il en soit j'espère que les jeunes générations se souviendront surtout de la valeur patriotique et militaire de la résistance et de l'héroïsme de Jean MOULIN auquel André MALRAUX a rendu un vif hommage le 19 décembre 1964 au moment du transfert de ses cendres au Panthéon » :

 « Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé, ce jour-là, elle était le visage de la France ».

 Puisse notre jeunesse s'inspirer du courage et du patriotisme de ceux qui risqué leur vie pour sauver la France et notre civilisation.

jeudi 26 janvier 2023

60eme anniversaire du Traité de l'Elysée - 22 Janvier 2023

 

DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE A L’OCCASION DE LA CÉLÉBRATION DU 60ÈME ANNIVERSAIRE DU TRAITÉ DE L’ÉLYSÉE.


Monsieur le Chancelier, Cher Olaf, 
Mesdames les présidentes du Bundestag et de l'Assemblée nationale, 
Monsieur le président du Bundesrat, 
Monsieur le vice-président du Sénat, 
Mesdames et Messieurs les ministres, 
Mesdames et Messieurs les parlementaires, 
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, 
Monsieur le recteur, 
Chers jeunes Allemands, Français, Européens,

Mesdames et Messieurs, chers amis,

Je suis très heureux, très heureux de vous retrouver pour célébrer comme vous venez de le faire à l’instant, tous trois, l'amitié franco-allemande entre nous, et avec vous, représentantes et représentants de nos parlements, nos gouvernements, nos sociétés civiles et nos jeunesses. 

Nos deux pays, jumeaux d'histoire et de destins, ont vécu tant d'années en miroir, dans la forge même de leur identité. Ils ont alterné pendant tant de siècles entre l'émulation, la fascination, la compétition. Unis sous la même couronne franque, jusqu'à ce que l'histoire ne les sépare – car il y eut,  mille ans avant les tranchées de Verdun, le traité de Verdun. Rivaux ou alliés, ennemis jusqu'à la déraison, au cours de l'époque où l'on comptait ce temps commun au rythme des guerres, avant, entre et après. Si bien que parler de l'Allemagne, pour un Français, c'est toujours parler d'une part de soi-même. 

Pourtant, il a fallu, pour accepter cette part respective d'altérité si proche, d'identité si confondante, l'acte fondateur que nous commémorons aujourd'hui. Le 22 janvier 1963, l'Allemagne de Konrad ADENAUER et la France du Général DE GAULLE accomplissaient un immense geste de courage. 

Ce jour-là, nos deux pays qui avaient été les plus âpres ennemis, décidaient de devenir les plus étroits alliés. Ils refermaient presque cent ans de guerre moderne et de tragédie universelle que nous rappellent encore aujourd'hui les rangées de croix s'étendant à l'infini dans nos cimetières militaires. 

Ce jour-là, en scellant leur réconciliation, nos deux pays décidaient d'ouvrir « toutes grandes les portes d'un avenir nouveau pour l'Allemagne, pour la France, pour l'Europe et par conséquent pour le monde », selon les mots du Général DE GAULLE. Soixante ans après sa signature, le Traité de l'Élysée demeure le socle de ce lien inaltérable, exemplaire entre nos deux pays, unis pour la paix, la liberté, la défense de nos valeurs démocratiques. Unis dans le rêve commun de l'Europe à la faveur de  mille fibres tissées d'une rive à l'autre du Rhin à travers ces routes millénaires. 

Oui, nous sommes toutes et tous aujourd'hui les enfants de ce courage, convoqué au-delà des épreuves, par une génération sur laquelle plusieurs fois la guerre avait laissé sa marque, qui refusait de léguer la fatalité du combat et du chagrin à la suivante et qui pour cela, fondait son espoir sur la jeunesse. Et nous devons à ces fondateurs de sans cesse enseigner à la génération suivante le chemin parcouru, d'expliquer et d'enrichir encore cette victoire de l'amitié, si parfaite aujourd'hui que ses racines douloureuses pourraient s'oublier. 

C'est pourquoi cette amitié se doit de ne jamais cesser d'être ce qu'elle est. Pour détourner une formule qui jadis était employée pour la France seule, mais que je convoque en ces lieux, pensant à Renan, pour nous deux : cette amitié est un « plébiscite de tous les jours ». 

Le geste fait il y a soixante ans était un geste de courage car il n'avait rien d'évident. Tout documentait dans les vies de chacun la nécessité de ne pas faire ou de faire le contraire. Les histoires de ces générations de fondateurs leur disaient le contraire et ils l'ont fait. Notre amitié et ce plébiscite de tous les jours reposent sur une volonté, une coopération, une confiance qui doivent irriguer l'ensemble de nos institutions, de nos sociétés, de nos forces vives. 

Mais jamais ce combat ne peut être, ni ne sera celui des fatigués, des habitués et de ceux qui ne regardent que le passé, jamais. C'est aussi pourquoi, il y quatre ans, à Aix-la-Chapelle, nous avons signé un nouveau traité d'amitié. Actant le succès historique de notre réconciliation permise par le Traité de l'Elysée, nous avons décidé d'approfondir notre intégration et nos convergences dans tous les domaines. Au service de l'Union européenne, de la paix, de nos transitions environnementales et numériques, pour les jeunesses de nos deux pays. Pour nos concitoyens qui vivent et travaillent de part et d'autre de nos frontières Et avec vous, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, grâce à l'Assemblée parlementaire franco-allemande instituée parallèlement au Traité d'Aix-la-Chapelle. 

Je voudrais, au-delà de ces initiatives que vous faites vivre, saluer la première promotion ici présente du programme « Génération Europe » porté par l'Office franco-allemand pour la jeunesse, illustration concrète de cette ambition, au cœur de nos Traités de l'Élysée et d'Aix-la-Chapelle, de compréhension mutuelle entre nos peuples et d'ambitions que vous aurez à aujourd'hui et demain. 

Mesdames et Messieurs et Monsieur le Chancelier vient de le dire parfaitement, cher Olaf, ce 60ᵉ anniversaire a une signification particulière, au moment où l'Ukraine résiste à l'agression de la Russie, où l'idéal de paix et de dialogue a été bafoué, où l'espoir même d'un ordre humaniste en Europe est menacé et où les dérèglements du monde bousculent tant de certitudes dans nos pays.

Face à ces périls, il nous faut plus que jamais porter l'idéal d'une Europe plus unie et pleinement maîtresse de son destin. 

Oui, cette Europe que nous avons défendue l'un l'autre : en septembre 2017 sous cette même coupole et vous-même, Monsieur le Chancelier, en août 2022 à l'Université Charles de Prague, dans cet autre temple des valeurs humanistes de notre Europe. Ce projet de renforcement de la souveraineté européenne a pris la force d'une nécessité et d'une évidence pour tous. À présent, l'Allemagne et la France partagent la responsabilité de le faire advenir dans tous les domaines avec leurs partenaires au sein de l'Union européenne. 

Nous avons su le faire face à la pandémie par une relance économique qui nous a permis une capacité d'investissement inédite à 27 et la mutualisation de dettes communes pour des investissements à venir, impensables quelques mois plus tôt. Nous l'avons décidé ensemble, Allemagne et France, quelques semaines après le début de la pandémie, pour que cela puisse advenir dès juillet 2020. 

Nous le faisons jour après jour pour la défense de l'Ukraine. Après le 24 février, notre Union ne s'est ni divisée, ni dérobée à ses responsabilités. Et notre soutien indéfectible aux côtés du peuple ukrainien se poursuivra dans tous les domaines. Nous avons soutenu l'Ukraine, sanctionné la Russie et, ensemble, sommes allés à Kiev pour ouvrir, là aussi, un chemin que, quelques semaines plus tard, notre Europe a consacré. Et nous continuerons à soutenir le choix clair fait par le Conseil européen de donner à l'Ukraine, comme à la Moldavie, le statut de candidat. Nous continuerons à les accompagner, ainsi que les autres pays candidats des Balkans occidentaux sur le chemin des réformes nécessaires. Cette responsabilité de l'Allemagne et de la France est aussi de renforcer la cohésion de l'ensemble de la famille européenne à travers la Communauté politique européenne. Et je vous remercie, Monsieur le Chancelier, du soutien que vous avez apporté à ce projet fédérateur à l’échelle du continent. 

Nous avons aussi su prendre les décisions qui s’imposaient pour nous-mêmes, pour la réduction de nos dépendances stratégiques, pour une Europe plus forte et souveraine en matière énergétique, technologique, militaire, industrielle, alimentaire. C’est l’agenda que nous avons désigné ensemble, en Européens, à Versailles en mars dernier. Et grâce à ces décisions, d’ores et déjà notre Union n’est plus la même. Et les choix faits ces derniers mois en matière de défense, en matière énergétique par nos deux pays sont des choix historiques qui nous permettront de continuer, d’avancer et d’aller plus loin. 

Mais le travail qui reste à accomplir est immense, pour atteindre notre objectif d’une Europe plus souveraine, plus démocratique et plus solidaire. Et cela ne dépend presque que de nous, Européens, de nos choix, des décisions que nous prenons et de celles que nous ne prenons pas. 

Alors, comme nos deux pays ont su le faire à chaque tournant de la construction européenne et – non que ce fût facile, bien au contraire – l'Allemagne et la France feront le choix de l'avenir. Vous l'avez parfaitement dit, cher Olaf à l’instant. Le couple franco-allemand est un couple pour lequel rien n'était écrit. Et si tout était simple, ce couple n'aurait ni à être célébré ni à constamment se réinventer. Il est grand quand il arrive en quelque sorte à bousculer la fatalité, à revisiter les intérêts d'un côté l'autre du Rhin et à bâtir un chemin plus grand que ceux qui le composent, celui d'une unité, d'une fusion entre nos peuples, nos histoires pour rendre notre Europe plus forte. C'est ce choix d'avenir qui est le nôtre aujourd'hui. 

Et l'Allemagne et la France, parce qu'elles ont défriché le chemin de la réconciliation, doivent devenir pionnières pour la refondation de notre Europe ensemble. 

Pionnières d'abord, pour bâtir ensemble un nouveau modèle énergétique par-delà nos différences. Nous devons encourager et accélérer au niveau européen les investissements publics et privés nécessaires à la transition écologique. Nous devons achever la diversification de nos sources et voies d'approvisionnement et encourager la production d'énergies décarbonées sur notre continent. 

Pionnières ensuite pour l'innovation et les technologies de demain, pour bâtir la prospérité, l'avenir écologique et le modèle social qui nous unit. Cela passe par l'accélération de nos convergences, la simplification de nos règles. Cela passe par une stratégie industrielle européenne ambitieuse qui assure la résilience de la production sur le sol européen par une stratégie « made in Europe » 2030. Comme nous l'avons l'un l'autre poussé pour faire de notre continent le champion de ces nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle. 

Pionnières, ensemble pour une Union européenne capable de s'assumer comme puissance géopolitique à part entière en matière de défense, en matière spatiale, en matière diplomatique.

Pionnières, enfin, pour une Union plus efficace, plus protectrice et qui défend ses valeurs. Car au fond, notre objectif de souveraineté est de s'assurer de tenir notre destin entre nos mains. Et nous devons le mettre au profit de nos valeurs communes, de notre modèle européen qui repose sur notre humanisme, notre attachement à la liberté et à la solidarité. Alors, achevons ensemble d'en faire en l'espace d'une génération, un espace de solidarité et de liberté, celle de penser, de créer, de voyager, d'entreprendre, d'innover, de rêver. 

Cette Europe pour laquelle, ensemble, Allemagne et France seront pionnières, est celle des universités, de la musique, de la littérature, de la création, des théâtres, de la culture. Cette Europe, c'est celle qu'ensemble nous voulons refonder. 

Et telle est notre ligne d'horizon en ce jour de célébration où nous réunirons le 23ᵉ conseil des ministres franco-allemand. Chers amis, l'itinéraire de fraternité que nos deux peuples ont su bâtir après s'être tant déchirés nous oblige. Le Traité de l'Elysée et l'aventure européenne étaient des pas inouïs que tout des habitudes et des facilités pouvait empêcher. Et c'est pourquoi, à mes yeux, ce jour ne doit pas simplement être celui d'une célébration, mais d'une promesse, d'un engagement, d'un appel, d'une ambition nouvelle. À l'heure où l'histoire semble sortir à nouveau de ses gonds, trouvons le ressort d'être à la hauteur de l'espoir que tous ceux qui nous ont précédés avaient placé en nous. Affrontons les périls du temps avec cet héritage de courage et d'imagination, avec ce devoir de fidélité à l'audace. Avec l'assurance que tout est possible si l'on demeure uni. 

Eh oui, cher Olaf, en célébrant ensemble aujourd'hui avec vous, Mesdames les Présidentes, Messieurs les Présidents et nos représentants des assemblées comme nos ministres, cet itinéraire fraternel à la Sorbonne, c'est que nous voulons bâtir une ambition nouvelle ici, dans ce lieu de savoir ici, à la Sorbonne, dans cette université qui porte le nom de son fondateur et celui d'un village des Ardennes dont les paysages ont vu les cendres de la guerre entre nos deux nations. Dans ce lieu de culture et de savoir où passèrent des érudits de toute l'Europe, de Thomas D'AQUIN à Albert de COLOGNE et qui inventèrent l'esprit universaliste du continent. Ici, dans ce lieu où l’on a toujours rêvé tout à la fois le patriotisme comme l'aventure européenne comme étant aussi un appel à l'universel. Ici, où par le savoir, l'apprentissage, la compréhension, les arts, on a toujours voulu bâtir l'amour de ce que nous sommes, nos héritages, à travers quelque chose de plus grand que nous. 

Et dans cette faculté qui honorera Ernst-Robert CURTIUS, un Allemand pleinement européen et qui, voilà cent ans, ne voulait pas se résoudre à éteindre son amour pour la littérature française. MANN a écrit des pages sublimes pour qualifier l'amitié entre CURTIUS et GIDE. Il a écrit qu'ils étaient « deux âmes dans une même poitrine ». Voilà une haute image de la complicité morale, de la fraternité de destin, de ce que nous sommes. Deux âmes dans une même poitrine. Elles ne se ressemblent pas et elles n'ont pas la même histoire, mais elles sont dans cette même poitrine et elles battent à l'unisson.  Deux âmes dans une même poitrine, c'est nous. 

Alors sachez toutes et tous ici aujourd'hui, pouvoir compter sur notre détermination ensemble à continuer à faire de l'amitié entre l'Allemagne et la France l'un des arbres de vie de la souveraineté européenne. Sachez que l’un l’autre, nous continuerons de faire avancer ce couple jadis impossible qui est le fruit simplement de la volonté, du courage et de la force et nous le ferons ensemble pour qu’à votre tour, vous, vous puissiez célébrer cette part d’histoire, mais surtout continuer de bâtir la vôtre en ayant tous les choix et la liberté en particulier de choisir votre avenir. C’est notre responsabilité pour vous. 

Vive l’amitié entre l’Allemagne et la France et vive notre Europe !