Au cours de leurs manifestations
du mois de mai dernier [2003] des enseignants ont déchiré et brûlé dans les rues de
nombreux exemplaires du livre du ministre Luc FERRY intitulé "Lettre à
tous ceux qui aiment l'école".
Ces méthodes déplorables
rappellent les autodafés de livres organisées jadis par l'inquisition et plus
récemment par les nazis.
Méthodes indignes de ceux qui
sont chargés de transmettre le savoir et de former les futurs citoyens.
En fait, que dit monsieur Luc
FERRY.
Le ministre affirme vouloir
" lutter contre la fracture scolaire, prévenir et combattre l'illettrisme
" dont souffrent 15 % des élèves qui entrent en classe de sixième.
N'a-t-il pas raison ?
Constatant que de nombreux
élèves quittent le lycée sans avoir obtenu le bac ou une formation
professionnelle permettant d'occuper un emploi ou d'exercer un métier, le
ministre veut promouvoir le lycée des métiers pour pouvoir donner aux élèves une
formation de qualité, complète et diversifiée en associant voies professionnelles
et technologiques.
N'est-ce pas une bonne idée?
Le ministre propose, d'autre
part, aux universités de mettre en place dès 2003, au sein des premiers cycles
universitaires des cours de culture générale.
Edouard HERRIOT disait :
"la culture c'est ce qui reste quand on a tout oublié »
Que restera-t-il à ceux qui ne
lisent pas, qui perdent leur temps devant des émissions de télévision
complètement débiles et abusent des jeux vidéo?
Il est bon de prévenir les
élèves.
Le ministre veut lutter contre
l'incivilité et la violence aux cotés des enseignants.
N'est-ce pas une intention
louable au moment où des élèves et des parents d’élèves se permettent
d'agresser des enseignants dans les écoles et les lycées ?
Autrefois, les parents
soutenaient plus souvent les enseignants que leurs enfants. Les enseignants
étaient respectés. Aujourd'hui la pratique du tutoiement, la négligence de
certains enseignants dans leur habillement, le manque de fermeté, l'engagement
politique, contribuent souvent à la détérioration des rapports entre le maître
et ses élèves.
Monsieur Luc FERRY n'a-t-il pas
raison d'écrire : " il importe d'abord, si nous voulons que l'école puisse
redevenir le lieu de la transmission et de l'apprentissage des connaissances et
des savoir-faire, ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être, de restaurer
l'autorité, ce qui passe évidemment par des sanctions efficaces." Les hommes de ma génération étaient dans leur
jeunesse turbulents et dissipés comme tous les enfants, mais leurs instituteurs
savaient par leur charisme, par des observations appropriées et la qualité de
leurs cours imposer le silence et fixer l'attention de leurs élèves. Nous
retenons avec satisfaction ces deux réflexions de Monsieur Luc FERRY : la
première " il faut centrer la formation des maîtres sur les connaissances
qu'ils auront à enseigner et la seconde " il faut renforcer l'enseignement
de l'éducation civique en mettant l'accent, tout au long d'un parcours civique de
l'élève, sur le respect des principes fondateurs de la République ".
Plusieurs personnalités, des
parlementaires, des écrivains et l'UFAC, dont j'étais le président, ont
vivement protesté contre la suppression des leçons d'histoire et de civisme et
la suppression du jour férié du 8 mai. Les protestations ont été prises en
considération tout au moins pour le 8 mai.
En juin 1980, Maurice DUVERGER
écrivait dans le Monde :" Le déclin de l'enseignement de l'histoire tient
avant tout à l'affaiblissement de l'idée nationale qu'il tend en même temps à
accentuer. L'histoire n'est pas seulement l'essentiel de la culture d'un pays,
elle est un élément essentiel de l'identité d'une nation. Comme un homme sans
mémoire, un peuple sans histoire n'a plus de personnalité ".
Pour nous, qui avons servi la
France dans des moments dramatiques, cette réflexion conserve toute sa valeur.
Nous voudrions
que soit réellement
accordé le temps nécessaire à l'enseignement de l'histoire et du civisme
et que les professeurs d'école et les professeurs d'histoire respectent la
vérité historique et la neutralité de l'école laïque.
Nous avons été profondément
choqués par l'attitude d'une directrice d'école de Montluçon qui le 11 novembre
1999 devant le monument aux morts a permis à deux de ses élèves d'entonner
" le déserteur " de Boris VIAN.
Nous considérons que les
monuments aux morts ne sont pas des tribune politiques mais des lieux de
recueillement devant lesquels nous rendons hommage ceux qui sont morts pour la
France. En Russie nous avons vu des enfants constituer des haies d'honneur à 1’
occasion de dépôts de gerbes devant les monuments aux morts.
Cela dit il est normal que l'on
apprenne aux enfants les poésies d'auteurs du XXème siècle, ARAGON,
ELUARD, Boris VIAN… Mais on aurait tort de ne pas éveiller la sensibilité des
enfants en leur faisant apprendre les poésies de RONSARD, d'Albert SAMAIN, de
SULLY PRUDHOMME, de LAMARTINE, d'Alfred DE MUSSET, de Victor HUGO et les fables
de la Fontaine.
Luc FERRY parle du "
parcours civique de l'élève, du respect et des principes fondateurs de la
République ".
Si les cours d’instruction
civique n'existent plus, il faut les rétablir et apprendre aux enfants le
fonctionnement des institutions, les droits et les devoirs du citoyen, le
respect des valeurs morales, l'importance du devoir de mémoire.
Le ministre Jules FERRY, dans
une circulaire du 17 novembre 1883 destinée aux instituteurs écrivait : "
La loi du 28 mars se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans
se contredire : d'une part, elle met en dehors du programme obligatoire
l'enseignement de tout dogme particulier ; d'autre part elle y place au premier
rang l'enseignement moral et civique, l'instruction religieuse appartient aux
familles et à l'Eglise, l'instruction morale à l'école… Il y a dans chaque
instituteur, dans chaque institutrice un auxiliaire naturel du progrès moral et
social, une personne dont l'influence ne peut manquer, en quelque sorte,
d'élever autour d'elle le niveau des mœurs ".
Le Président de la République en
créant une commission " pour repenser la laïcité " ne donne-t-il pas
trop d'importance aux provocations de jeunes musulmanes qui s'obstinent à
vouloir porter le foulard islamique dans nos établissements scolaires ?
Demain faudra-t-il, comme en
Espagne, instaurer des cours de religion dans l'école laïque ?
Jules FERRY doit frémir dans sa
tombe.
La majorité de la population
française apprécie les institutions républicaines ainsi que notre patrimoine
historique et culturel. Il ne faudrait pas la décevoir en modifiant les lois ou
les principes fondamentaux de l'école laïque pour donner satisfaction à telle
ou telle religion ou à telle minorité qui profite de notre hospitalité.
Que ceux qui ne veulent pas
accepter les règles de l'école laïque s'inscrivent dans des écoles privées.
Notre école laïque est le vivier
de la Nation dans lequel s'éveille l'esprit des futurs citoyens dont certains
assumeront plus tard des responsabilités en France ou dans l'Union Européenne.
Ne la fragilisons pas, donnons-lui
les moyens nécessaires pour améliorer encore la qualité de son enseignement.
René Peyre - Notre voix PTT - Juillet 2003
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