dimanche 10 novembre 2024

L'ECOLE ET LA NATION

 

Au cours de leurs manifestations du mois de mai dernier [2003] des enseignants ont déchiré et brûlé dans les rues de nombreux exemplaires du livre du ministre Luc FERRY intitulé "Lettre à tous ceux qui aiment l'école".

Ces méthodes déplorables rappellent les autodafés de livres organisées jadis par l'inquisition et plus récemment par les nazis.

Méthodes indignes de ceux qui sont chargés de transmettre le savoir et de former les futurs citoyens.

En fait, que dit monsieur Luc FERRY.

Le ministre affirme vouloir " lutter contre la fracture scolaire, prévenir et combattre l'illettrisme " dont souffrent 15 % des élèves qui entrent en classe de sixième.

N'a-t-il pas raison ?

Constatant que de nombreux élèves quittent le lycée sans avoir obtenu le bac ou une formation professionnelle permettant d'occuper un emploi ou d'exercer un métier, le ministre veut promouvoir le lycée des métiers pour pouvoir donner aux élèves une formation de qualité, complète et diversifiée en associant voies professionnelles et technologiques.

N'est-ce pas une bonne idée?

Le ministre propose, d'autre part, aux universités de mettre en place dès 2003, au sein des premiers cycles universitaires des cours de culture générale.

Edouard HERRIOT disait : "la culture c'est ce qui reste quand on a tout oublié »

Que restera-t-il à ceux qui ne lisent pas, qui perdent leur temps devant des émissions de télévision complètement débiles et abusent des jeux vidéo?

Il est bon de prévenir les élèves.

Le ministre veut lutter contre l'incivilité et la violence aux cotés des enseignants.

N'est-ce pas une intention louable au moment où des élèves et des parents d’élèves se permettent d'agresser des enseignants dans les écoles et les lycées ?

Autrefois, les parents soutenaient plus souvent les enseignants que leurs enfants. Les enseignants étaient respectés. Aujourd'hui la pratique du tutoiement, la négligence de certains enseignants dans leur habillement, le manque de fermeté, l'engagement politique, contribuent souvent à la détérioration des rapports entre le maître et ses élèves.

Monsieur Luc FERRY n'a-t-il pas raison d'écrire : " il importe d'abord, si nous voulons que l'école puisse redevenir le lieu de la transmission et de l'apprentissage des connaissances et des savoir-faire, ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être, de restaurer l'autorité, ce qui passe évidemment par des sanctions efficaces." Les hommes de ma génération étaient dans leur jeunesse turbulents et dissipés comme tous les enfants, mais leurs instituteurs savaient par leur charisme, par des observations appropriées et la qualité de leurs cours imposer le silence et fixer l'attention de leurs élèves. Nous retenons avec satisfaction ces deux réflexions de Monsieur Luc FERRY : la première " il faut centrer la formation des maîtres sur les connaissances qu'ils auront à enseigner et la seconde " il faut renforcer l'enseignement de l'éducation civique en mettant l'accent, tout au long d'un parcours civique de l'élève, sur le respect des principes fondateurs de la République ".

Plusieurs personnalités, des parlementaires, des écrivains et l'UFAC, dont j'étais le président, ont vivement protesté contre la suppression des leçons d'histoire et de civisme et la suppression du jour férié du 8 mai. Les protestations ont été prises en considération tout au moins pour le 8 mai.

En juin 1980, Maurice DUVERGER écrivait dans le Monde :" Le déclin de l'enseignement de l'histoire tient avant tout à l'affaiblissement de l'idée nationale qu'il tend en même temps à accentuer. L'histoire n'est pas seulement l'essentiel de la culture d'un pays, elle est un élément essentiel de l'identité d'une nation. Comme un homme sans mémoire, un peuple sans histoire n'a plus de personnalité ".

Pour nous, qui avons servi la France dans des moments dramatiques, cette réflexion conserve toute sa valeur.

Nous  voudrions  que  soit  réellement  accordé le temps nécessaire à l'enseignement de l'histoire et du civisme et que les professeurs d'école et les professeurs d'histoire respectent la vérité historique et la neutralité de l'école laïque.

Nous avons été profondément choqués par l'attitude d'une directrice d'école de Montluçon qui le 11 novembre 1999 devant le monument aux morts a permis à deux de ses élèves d'entonner " le déserteur " de Boris VIAN.

Nous considérons que les monuments aux morts ne sont pas des tribune politiques mais des lieux de recueillement devant lesquels nous rendons hommage ceux qui sont morts pour la France. En Russie nous avons vu des enfants constituer des haies d'honneur à 1’ occasion de dépôts de gerbes devant les monuments aux morts.

Cela dit il est normal que l'on apprenne aux enfants les poésies d'auteurs du XXème siècle, ARAGON, ELUARD, Boris VIAN… Mais on aurait tort de ne pas éveiller la sensibilité des enfants en leur faisant apprendre les poésies de RONSARD, d'Albert SAMAIN, de SULLY PRUDHOMME, de LAMARTINE, d'Alfred DE MUSSET, de Victor HUGO et les fables de la Fontaine.

Luc FERRY parle du " parcours civique de l'élève, du respect et des principes fondateurs de la République ".

Si les cours d’instruction civique n'existent plus, il faut les rétablir et apprendre aux enfants le fonctionnement des institutions, les droits et les devoirs du citoyen, le respect des valeurs morales, l'importance du devoir de mémoire.

Le ministre Jules FERRY, dans une circulaire du 17 novembre 1883 destinée aux instituteurs écrivait : " La loi du 28 mars se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans se contredire : d'une part, elle met en dehors du programme obligatoire l'enseignement de tout dogme particulier ; d'autre part elle y place au premier rang l'enseignement moral et civique, l'instruction religieuse appartient aux familles et à l'Eglise, l'instruction morale à l'école… Il y a dans chaque instituteur, dans chaque institutrice un auxiliaire naturel du progrès moral et social, une personne dont l'influence ne peut manquer, en quelque sorte, d'élever autour d'elle le niveau des mœurs ".

Le Président de la République en créant une commission " pour repenser la laïcité " ne donne-t-il pas trop d'importance aux provocations de jeunes musulmanes qui s'obstinent à vouloir porter le foulard islamique dans nos établissements scolaires ?

Demain faudra-t-il, comme en Espagne, instaurer des cours de religion dans l'école laïque ?

Jules FERRY doit frémir dans sa tombe.

La majorité de la population française apprécie les institutions républicaines ainsi que notre patrimoine historique et culturel. Il ne faudrait pas la décevoir en modifiant les lois ou les principes fondamentaux de l'école laïque pour donner satisfaction à telle ou telle religion ou à telle minorité qui profite de notre hospitalité.

Que ceux qui ne veulent pas accepter les règles de l'école laïque s'inscrivent dans des écoles privées.

Notre école laïque est le vivier de la Nation dans lequel s'éveille l'esprit des futurs citoyens dont certains assumeront plus tard des responsabilités en France ou dans l'Union Européenne.

Ne la fragilisons pas, donnons-lui les moyens nécessaires pour améliorer encore la qualité de son enseignement.


René Peyre - Notre voix PTT - Juillet 2003

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