vendredi 21 juin 2024

DES TRAÎTRES DANS LA RÉSISTANCE



Ce que disent les dernières archives du Service Historique de la Défense sur la capture de Jean Moulin

DES TRAÎTRES DANS LA RÉSISTANCE - Un documentaire de Patrick Benquet - 2022

 

«  En mai 1943, Ernest Kaltenbrunner, nouveau chef à Berlin de l'Office central de la sécurité du Reich (RHSA) remet à Hitler un rapport qui décrit dans le détail l'organisation de la Résistance française.
Sous la forme d'une enquête historique qui s'appuie sur les archives inédites des services secrets français, ce film révèle comment la plupart des organisations de la Résistance ont été infiltrées par des français, appelés « V Man », hommes de confiance, à la solde des allemands.

L'ouverture récente de nouvelles archives des services secrets français conservées au Service Historique de la Défense (SHD) a révélé que durant la Seconde Guerre mondiale, la plupart des organisations de la résistance française ont été infiltrées par des traitres au service de l'occupant allemand. Peu connue l'existence de ces traitres, qu'il s'agisse de résistants arrêtés et « retournés » ou de français acceptant contre rémunérations de travailler pour l'ennemi, éclaire d'un jour totalement nouveau à la fois l'histoire de la répression allemande et celle de la résistance française.
Ce que l'on apprend à la lecture de ces archives jusqu'alors inaccessibles c'est que les Allemands ont érigé la trahison en véritable système. Le recrutement de Français prêts à les renseigner était une des priorités de l'occupant.
Ces français qui vont porter des coups fatals à la Résistance deviennent pour les Allemands des « V-man » (« hommes de confiance »).
Bien qu'il n'existe aucune statistique officielle du fait de la particularité de leur mission, les historiens estiment aujourd'hui que 20 à 30 000 Français ont aidé les Allemands à infiltrer les organisations de la Résistance. Une partie d'entre eux ont été de véritables agents secrets de l'ennemi, grassement rémunérés. Le bilan de leur trahison se chiffre en dizaines de milliers de résistants arrêtés, morts en déportation ou exécutés. La plupart des réseaux de la résistance ont été infiltrés et beaucoup totalement anéantis.
Comment tout cela a-t 'il été possible ? qui étaient ces traîtres ? Quelles étaient les méthodes utilisées par les allemands pour retourner ou recruter ces français ? Quelles étaient les motivations de ceux qui ont trahi ? Comment ont-ils infiltré les réseaux les anéantissant pour certains, causant des dommages considérables pour d'autres ? Et comment malgré cette lutte inégale et impitoyable, en dépit des nombreuses arrestations qui la touchèrent, la résistance réussit-elle à continuer de croître pour jouer un rôle fondamental dans la Libération de la France et la victoire sur l’occupant.
 » - Source LCP

 

Ce documentaire réalisé en 2022, enrichi d’archives inédites, déclassifiées sous la présidence Hollande, dévoile entre autres informations, des révélations inédites sur la capture de Jean Moulin en particulier le rôle joué par un certain Jean-André Multon. Résistant retourné, impliqué dans les multiples tentatives d’éliminations d’Henri Frenay, il était l’homme de confiance d’un des chefs du réseau Combat dans la zone Sud. Arrêté par la Gestapo à Marseille il entre dans l’engrenage de la trahison, contribuant à l’arrestation d’une centaine de ses compatriotes et participant même aux interrogatoires. Sur ordre du SS Dunker, il part à Lyon collaborer avec Klaus Barbie. Il prend rendez-vous le 26 Mai 1943 à Macon avec Henri Frenay, mais en instance de départ pour Londres, c’est sa secrétaire Mme Albrecht qui se présente au lieu indiqué. Arrêtée, écrouée à Fresnes elle mourra trois jours plus tard. Multon donne ensuite à Barbie l’adresse d’une boite aux lettres. Les occupants trouvent un courrier mentionnant un rendez-vous entre deux membres importants de la Résistance, René Hardy, responsable des sabotages ferroviaires pour le réseau Combat et Charles Delestraint chef militaire de l’Armée Secrète. Le 9 juin le général est capturé à la station de métro La Muette à Paris, toujours en présence de Multon. Torturé pendant cinquante heures, il est déporté à Dachau où il sera exécuté en avril 1945 avant l’arrivée des alliés. Quant à René Hardy qui a eu la malchance de prendre le même train que Multon, il est arrêté sur les indications de ce dernier et de Robert Moog, autre collaborateur, à Chalons sur Saône. Pris immédiatement en main et semble-t-il avec certains égards par Barbie qui espère toujours capturer Frenay, il est relâché par les occupants 10 jours avant les événements de Caluire, non sans avoir donné des informations sur des projets de sabotage ferroviaire. Mis sous surveillance (à son insu ?) par les sbires de Barbie, il est convoqué au dernier moment par les responsables du mouvement Combat, pour participer le 21 juin, à la demande de Jean Moulin, à une réunion dont l’objet est la désignation d’un nouveau chef de l’Armée Secrète. Ignorant l’arrestation de Hardy, ils demandent à ce dernier de se rendre à Caluire et de s’opposer aux exigences du mandataire de De Gaulle, craignant la confiscation de leur mouvement par le Chef de la France Libre. Au jour dit à Caluire les allemands capturent tous les participants à l’exception de René Hardy qui réussit à s’enfuir. La suite est connue. A la Libération Jean Multon, fut dénoncé par son ancien chef Henri Frenay en Mars 45, arrêté, jugé, condamné à mort et exécuté. Quant à René Hardy il fut acquitté deux fois par les tribunaux, malgré de lourdes présomptions de culpabilité. L’Histoire retiendra que les actions entreprises par les nazis pour éliminer le chef du mouvement de résistance Combat aboutiront accidentellement à l’arrestation et à la mort de Jean Moulin.

samedi 1 juin 2024

6 Juin 1944 - Le Jour Suprême


La France commémore cette année le cinquantième anniversaire (1) des événements historiques qui provoquèrent la libération de son territoire, la défaite du nazisme et le rétablissement de la liberté.

D'importantes cérémonies officielles se dérouleront le 6 juin sur les plages normandes du Calvados et de la Manche, notamment à Omaha Beach où débarquèrent les soldats américains le 6 juin 1944.

Après l'humiliante défaite de nos armées en 1940 et le magnifique comportement de l'aviation anglaise et de la population de Londres qui résistèrent aux bombardements de la Luftwaffe deux hommes surent entretenir l'espoir de leurs compatriotes et préparer la bataille décisive, Winston CHURCHILL et le Général DE GAULLE. Le 18 juin 1940 le Général DE GAULLE prend la parole à Londres ! "Rien n'est perdu parce que cette guerre est une guerre mondiale. Dans l'univers libre, des forces immenses n'ont pas encore donné. Un jour ces forces écraseront l'ennemi. Il faut que la France, ce jour-là, soit présente à la victoire. Alors, elle retrouvera sa liberté et sa grandeur ".

En vérité peu de français entendent cet appel et beaucoup accordent leur confiance au Maréchal PETAIN, le vainqueur de Verdun.

Mais, le nombre de ceux qui écoutent chaque soir l'émission de la BBC, " Les français parlent aux français " ne cesse de croître. Maurice SCHUMANN, Jean OBERLE et leurs collègues de la France Libre donnent à leurs auditeurs des informations que leur cache la radio de Vichy et encouragent les patriotes de l'ombre qui constituent l'embryon de la résistance.

Bientôt, des mouvements structurés diffusent des journaux : Libération Nord, Libération, Combat etc. Des officiers et sous-officiers d'active encadrent les volontaires des maquis de Haute-Savoie, du Vercors, de l'Ain, etc. Des réseaux, comme celui du Colonel Rémy auquel appartiennent des fonctionnaires des PTT, PRUVOST, chef de la résistance PTT, Simone LEVY qui sera exécutée en Allemagne, DEBAUMARCHE, Maurice HORVAIS, notre ami Henri LEVEILLE, fournissent à Londres de précieux renseignements sur les fortifications allemandes de Normandie et sur le déplacement des troupes ennemies. Jean MOULIN, nommé par le Général DE GAULLE, Président du Conseil national de la résistance (CNR) rassemble les mouvements de résistance en vue de coordonner leurs efforts, de préparer avec Londres et Alger l'insurrection nationale et d’élaborer un programme destiné à sauvegarder au lendemain de la libération l'idéal républicain. Arrêté en 1943 à Lyon par Klaus BARBIE, Jean MOULIN, meurt sans livrer les secrets qu'il détient.

Au cours de l'année 1943, les chefs de la résistance et l'Etat Major allemand savent que la bataille décisive aura lieu en France en 1944.

Après leurs victoires en Afrique et en Italie les armées alliées et françaises préparent leur débarquement en France. La Corse est le premier département français libéré en 1943 par l'action conjointe de la résistance et du corps expéditionnaire français constitué en partie de tabors marocains. Dans les autres départements les maquis augmentent leurs activités. Ils reçoivent davantage d'armes, surtout, hélas, des armes légères. Les allemands et la milice réagissent violemment contre les attaques des maquis, les sabotages des voies ferrées et des lignes téléphoniques. Pour éviter la création d'un front intérieur les allemands tentent de détruire les maquis importants.

En mars 1944 une unité de chasseurs alpins allemands puissamment soutenue par l'artillerie et l'aviation attaque le Plateau des Glières. Les miliciens et les GMR participent à l'opération qui oppose 467 patriotes retranchés sur le plateau enneigé à sept mille soldats aguerris et à leurs mercenaires. Nous avons rendu hommage dans le numéro précédent de notre journal au courage des patriotes des Glières qui avaient choisi pour devise " vivre libre ou mourir " et nous avons dénoncé la lâcheté et la cruauté des miliciens de DARNAND, d'AGOSTINI et de TOUVIER.

Une compagnie de la division SS Das Reich pendra 99 otages à Tulle et massacrera le 10 juin la population d’Oradour-sur-Glane en représailles contre les harcèlements des maquis de la Haute-Vienne qui retardent le mouvement des blindés attendus sur le front de Normandie.

Au mois de juillet, la Wehrmacht attaque de toutes parts le maquis du Vercors. CHABAL, adjudant de chasseurs alpins, fait Sidi Brahim, c'est-à-dire se sacrifie pour défendre la position de Valchevrière.

Le 22 juillet les SS, transportés en planeurs sur le plateau du Vercors, massacrent des patriotes et des civils à Vassieux et à la Chapelle en Vercors.

De même en Normandie les allemands exterminent les patriotes, notamment ceux du maquis de Beaucoudray.

Toutes ces activités des résistants et les violentes représailles des troupes d'occupation n'ont pas échappé à l'attention du Général EISENHOVER, le chef suprême des armées alliées qui eut le mérite de souligner 1’ importance du rôle joué par la résistance sur notre territoire. Aussi, on ne comprend pas, et on n'admet pas cette réflexion récente de Jacques ATTALI, ancien conseiller du Président MITTERRAND, selon laquelle tous les français étaient " Collabos ". Nous joignons nos protestations à celles des personnalités qui ont vivement réagi contre cette odieuse provocation.

Les pertes subies par les résistants et la population civile auraient été encore beaucoup plus élevées si l'Etat major allié n'avait décidé, après une longue et minutieuse préparation, de déclencher au mois de juin 1944 la gigantesque opération Overlord.

Le Général ROMMEL avait fait renforcer le mur de l'Atlantique construit par l'organisation Todt de Dunkerque à Royan et fait enfoncer dans les plages de Normandie des mines, des pieux en bois et des tétraèdres en fer pour ralentir la progression des blindés exposés au feu des bunkers.

Mais le Général ROMMEL pensait avec HITLER et son Etat Major que le débarquement aurait lieu en Picardie et les services du Général EISENHOVER entretenaient habilement cette illusion.

Le 2 juin 1944, les chefs des mouvements de résistance et les maquisards entendent avec une immense joie les trois premiers vers de la poésie de VERLAINE, "chanson d'automne " que diffuse la BBC et qui annoncent l'imminence du débarquement : " Les sanglots longs des violons de l'automne. " Et, le 5 juin, la BBC diffuse les trois vers qui fixent au lendemain la date du débarquement : "blessent mon cœur d’une langueur monotone ".

L'Etat-Major allemand s'inquiète mais il demeure persuadé que le débarquement aura lieu dans le Pas-de-Calais.

Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, plusieurs milliers de parachutistes sont largués derrière la ligne Maginot de l'Atlantique avec pour mission de détruire des ponts, des voies ferrées, de s'emparer de points stratégiques et de les tenir jusqu'à l'arrivée des renforts.

Deux de ces opérations spectaculaires se déroulent à Bénouville, près de Ouistreham, et à Ste-Mère-l ‘Eglise. Le Major HOWARD et ses hommes atterrissent en planeurs près du pont mobile de Bénouville, appelé ultérieurement Pegasus Bridge, en l'honneur du cheval mythique Pégase, emblème du commando anglais. Ils s'emparent du bunker qui défend le pont, s'introduisent dans les tranchées allemandes, repoussent une contre-attaque et ne perdent que trois hommes.

Le 6 juin, Lord LOVAT, précédé d'un joueur de cornemuse et suivi de ses bérets verts et des bérets verts français du capitaine KIEFFER vainqueurs à Ouistreham, assure la relève avec trois minutes de retard sur l'horaire prévu. D'autres parachutistes américains sont largués sur le Cotentin. Vers 22 h, une maison brûle à Ste-Mère-l ‘Eglise, éclairant la place et le ciel et, soudain, les habitants voient descendre des parachutistes mitraillés par les allemands. L'un d'eux restera quatre heures, accroché au clocher par le harnais de son parachute.

Sainte-Mère-l ‘Eglise que nous visiterons fut la première ville libérée.

Pendant la même nuit de durs combats se déroulent dans le bocage et les marais. Le 6 juin, à l'aube, les défenseurs allemands stupéfaits voient apparaître l'armada alliée qui obstrue l'horizon. Aussitôt, c'est l'enfer, la souffrance, la mort. Les navires de guerre qui escortent les milliers de transports de troupes et les milliers d'avion qui les protègent ouvrent le feu sur les bunkers qui ripostent. Sur les plages de Sword, Juno, Sold et Utah les opérations de débarquement font un minimum de morts. Mais les américains rencontrent de terribles difficultés sur la plage de Omaha car la plupart des bunkers et des nids de mitrailleuses n'ont pas été détruits. La première vague d'assaut est néantie par le feu des défenses ennemies. Les vagues suivantes sont à leur tour laquées sur le sable et durement éprouvées. Les chaloupes coulent, les tanks amphibies chavirent, la mer est rouge de sang, la plage couverte de cadavres et de débris de blindés et de véhicules. Plus de 2000 soldats américains seront tués] Finalement, au prix de lourdes pertes, les soldats du génie ouvrent une brèche dans les défenses allemandes. Mais ce n'est qu'en fin de journée que les survivants parviendront à Colleville-sur-Mer. Les rangers, eux aussi, perdront de nombreux soldats pour s'emparer de la pointe du hoc et résister à la contre-attaque allemande.

Toutefois, malgré la forte opposition des troupes allemandes, 170 000 soldats, américains, britanniques, canadiens et français franchissent les plages normandes le 6 juin. Dans les jours suivants, les combats acharnés se poursuivent dans le bocage et la plupart des agglomérations sont incendiées ou rasées par l'artillerie et l'aviation faisant de nombreuses victimes militaires et civiles.

Le centre de Coutances est écrasé par le bombardement allié du 6 juin qui fait 350 victimes. Le port de Cherbourg est détruit. Saint Lô et Lisieux sont dévorés par les flammes. La ville de Caen, qui ne sera libérée que le 8 juillet par les troupes du Général MONTGOMERY, subit pendant plusieurs jours un bombardement intensif qui abat la plupart des immeubles et fait des milliers de victimes. Les ports et les villes de Rouen et du Havre disparaissent sous les décombres. Le 14 juin, le Général DE GAULLE débarque à Courseulles-sur-Mer et prononce son premier discours à Bayeux libérée depuis le 8 juin. " La victoire que nous remporterons dit-il, sera la victoire de la liberté et la victoire de la France ".

La 2eme DB du Général LECLERC débarque le 29 juillet, participe à la réduction de la poche de Falaise et, avec l'accord du Général PATTON, le Capitaine DRONE fonce sur Paris où il entre le 23 août et assure la liaison avec les insurgés, commandés par le Colonel ROL-TANGUY. Le lendemain, le Général DE GAULLE descend les Champs Elysées, suivi de Georges BIDAULT, le nouveau Président du CNR et s'adresse à la foule d'un balcon de l'Hôtel de Ville.

Le 22 novembre, le Général LECLERC fidèle au serment de KOUFRA délivre Strasbourg. Toutes les autres villes françaises seront libérées pendant cette période, soit par la résistance, soit par l'action conjuguée de la résistance et de l'armée.

Mais il est indéniable que la bataille décisive s'est déroulée sur les plages de Normandie et dans l'arrière-pays. Comme jadis les populations du Nord et de l'Est de la France, la population de Normandie a terriblement souffert de la guerre et fait preuve d'un courage remarquable.

Comme la Jérusalem antique, la Normandie est sortie de ses ruines plus belle et plus rayonnante que jadis.

Au charme de ses villes, de ses plages, de son bocage s'ajoute maintenant dans ses musées, dans la pierre des édifices restaurés, dans les bunkers éventrés, dans les restes du port artificiel d'Arromanches un précieux témoignage historique, témoignage accablant contre la guerre.

 

Jeunes gens qui jouez sur les plages, qui visitez les champs de bataille, l'immense cimetière de Colleville-sur-Mer couvert de 85 000 croix blanches, le mémorial de Caen, les musées de Bayeux, d'Arromanches, pensez aux jeunes de votre âge qui ont sacrifié leur vie pour la France, pour la paix, pour la liberté.

Sachez que la paix, la liberté, les droits de l'Homme ne sont jamais définitivement acquis.

 

(1)   Article publié en Mai 1994 dans Notre voix PTT par René Peyre à l’occasion des cérémonies du cinquantième anniversaire du débarquement allié le 6 juin 1944