La France commémore cette année le
cinquantième anniversaire (1) des événements historiques qui provoquèrent la
libération de son territoire, la défaite du nazisme et le rétablissement de la
liberté.
D'importantes cérémonies officielles se dérouleront le 6 juin sur les
plages normandes du Calvados et de la Manche, notamment à Omaha Beach où
débarquèrent les soldats américains le 6 juin 1944.
Après l'humiliante défaite de nos armées en 1940 et le magnifique
comportement de l'aviation anglaise et de la population de Londres qui
résistèrent aux bombardements de la Luftwaffe deux hommes surent entretenir
l'espoir de leurs compatriotes et préparer la bataille décisive, Winston
CHURCHILL et le Général DE GAULLE. Le 18 juin 1940 le Général DE GAULLE prend
la parole à Londres ! "Rien n'est perdu parce que cette guerre est une
guerre mondiale. Dans l'univers libre, des forces immenses n'ont pas encore donné.
Un jour ces forces écraseront l'ennemi. Il faut que la France, ce jour-là, soit
présente à la victoire. Alors, elle retrouvera sa liberté et sa grandeur
".
En vérité peu de français entendent cet appel et beaucoup accordent
leur confiance au Maréchal PETAIN, le vainqueur de Verdun.
Mais, le nombre de ceux qui écoutent chaque soir l'émission de la BBC,
" Les français parlent aux français " ne cesse de croître. Maurice
SCHUMANN, Jean OBERLE et leurs collègues de la France Libre donnent à leurs
auditeurs des informations que leur cache la radio de Vichy et encouragent les
patriotes de l'ombre qui constituent l'embryon de la résistance.
Bientôt, des mouvements structurés diffusent des journaux : Libération
Nord, Libération, Combat etc. Des officiers et sous-officiers d'active
encadrent les volontaires des maquis de Haute-Savoie, du Vercors, de l'Ain, etc.
Des réseaux, comme celui du Colonel Rémy auquel appartiennent des
fonctionnaires des PTT, PRUVOST, chef de la résistance PTT, Simone LEVY qui
sera exécutée en Allemagne, DEBAUMARCHE, Maurice HORVAIS, notre ami Henri
LEVEILLE, fournissent à Londres de précieux renseignements sur les
fortifications allemandes de Normandie et sur le déplacement des troupes
ennemies. Jean MOULIN, nommé par le Général DE GAULLE, Président du Conseil
national de la résistance (CNR) rassemble les mouvements de résistance en vue de
coordonner leurs efforts, de préparer avec Londres et Alger l'insurrection
nationale et d’élaborer un programme destiné à sauvegarder au lendemain de la
libération l'idéal républicain. Arrêté en 1943 à Lyon par Klaus BARBIE, Jean
MOULIN, meurt sans livrer les secrets qu'il détient.
Au cours de l'année 1943, les chefs de la
résistance et l'Etat Major allemand savent que la bataille décisive aura lieu
en France en 1944.
Après leurs
victoires en Afrique et en Italie les armées alliées et françaises préparent
leur débarquement en France. La Corse est le premier département français
libéré en 1943 par l'action conjointe de la résistance et du corps
expéditionnaire français constitué en partie de tabors marocains. Dans les
autres départements les maquis augmentent leurs activités. Ils reçoivent
davantage d'armes, surtout, hélas, des armes légères. Les allemands et la
milice réagissent violemment contre les attaques des maquis, les sabotages des
voies ferrées et des lignes téléphoniques. Pour éviter la création d'un front
intérieur les allemands tentent de détruire les maquis importants.
En mars 1944 une
unité de chasseurs alpins allemands puissamment soutenue par l'artillerie et
l'aviation attaque le Plateau des Glières. Les miliciens et les GMR participent
à l'opération qui oppose 467 patriotes retranchés sur le plateau enneigé à sept
mille soldats aguerris et à leurs mercenaires. Nous avons rendu hommage dans le
numéro précédent de notre journal au courage des patriotes des Glières qui
avaient choisi pour devise " vivre libre ou mourir " et nous avons
dénoncé la lâcheté et la cruauté des miliciens de DARNAND, d'AGOSTINI et de
TOUVIER.
Une compagnie de la division SS Das Reich pendra
99 otages à Tulle et massacrera le 10 juin la population d’Oradour-sur-Glane en
représailles contre les harcèlements des maquis de la Haute-Vienne qui
retardent le mouvement des blindés attendus sur le front de Normandie.
Au mois de juillet,
la Wehrmacht attaque de toutes parts le maquis du Vercors. CHABAL, adjudant de
chasseurs alpins, fait Sidi Brahim, c'est-à-dire se sacrifie pour défendre la
position de Valchevrière.
Le 22 juillet les SS, transportés en planeurs sur
le plateau du Vercors, massacrent des patriotes et des civils à Vassieux et à
la Chapelle en Vercors.
De même en Normandie les allemands exterminent
les patriotes, notamment ceux du maquis de Beaucoudray.
Toutes ces activités
des résistants et les violentes représailles des troupes d'occupation n'ont pas
échappé à l'attention du Général EISENHOVER, le chef suprême des armées alliées
qui eut le mérite de souligner 1’ importance du rôle joué par la résistance sur
notre territoire. Aussi, on ne comprend pas, et on n'admet pas cette réflexion
récente de Jacques ATTALI, ancien conseiller du Président MITTERRAND, selon
laquelle tous les français étaient " Collabos ". Nous joignons nos
protestations à celles des personnalités qui ont vivement réagi contre cette
odieuse provocation.
Les pertes subies par les résistants et la
population civile auraient été encore beaucoup plus élevées si l'Etat major
allié n'avait décidé, après une longue et minutieuse préparation, de déclencher
au mois de juin 1944 la gigantesque opération Overlord.
Le Général ROMMEL
avait fait renforcer le mur de l'Atlantique construit par l'organisation Todt
de Dunkerque à Royan et fait enfoncer dans les plages de Normandie des mines,
des pieux en bois et des tétraèdres en fer pour ralentir la progression des
blindés exposés au feu des bunkers.
Mais le Général
ROMMEL pensait avec HITLER et son Etat Major que le débarquement aurait lieu en
Picardie et les services du Général EISENHOVER entretenaient habilement cette
illusion.
Le 2 juin 1944,
les chefs des mouvements de résistance et les maquisards entendent avec une
immense joie les trois premiers vers de la poésie de VERLAINE, "chanson
d'automne " que diffuse la BBC et qui annoncent l'imminence du
débarquement : " Les sanglots longs des violons de l'automne. " Et,
le 5 juin, la BBC diffuse les trois vers qui fixent au lendemain la date du
débarquement : "blessent mon cœur d’une langueur monotone ".
L'Etat-Major allemand s'inquiète mais il demeure
persuadé que le débarquement aura lieu dans le Pas-de-Calais.
Dans la nuit du 5
au 6 juin 1944, plusieurs milliers de parachutistes sont largués derrière la
ligne Maginot de l'Atlantique avec pour mission de détruire des ponts, des
voies ferrées, de s'emparer de points stratégiques et de les tenir jusqu'à
l'arrivée des renforts.
Deux de ces
opérations spectaculaires se déroulent à Bénouville, près de Ouistreham, et à Ste-Mère-l
‘Eglise. Le Major HOWARD et ses hommes atterrissent en planeurs près du pont
mobile de Bénouville, appelé ultérieurement Pegasus Bridge, en l'honneur du
cheval mythique Pégase, emblème du commando anglais. Ils s'emparent du bunker
qui défend le pont, s'introduisent dans les tranchées allemandes, repoussent
une contre-attaque et ne perdent que trois hommes.
Le 6 juin, Lord
LOVAT, précédé d'un joueur de cornemuse et suivi de ses bérets verts et des
bérets verts français du capitaine KIEFFER vainqueurs à Ouistreham, assure la
relève avec trois minutes de retard sur l'horaire prévu. D'autres parachutistes
américains sont largués sur le Cotentin. Vers 22 h, une maison brûle à Ste-Mère-l
‘Eglise, éclairant la place et le ciel et, soudain, les habitants voient
descendre des parachutistes mitraillés par les allemands. L'un d'eux restera
quatre heures, accroché au clocher par le harnais de son parachute.
Sainte-Mère-l ‘Eglise que nous visiterons fut la
première ville libérée.
Pendant la même nuit
de durs combats se déroulent dans le bocage et les marais. Le 6 juin, à l'aube,
les défenseurs allemands stupéfaits voient apparaître l'armada alliée qui
obstrue l'horizon. Aussitôt, c'est l'enfer, la souffrance, la mort. Les navires
de guerre qui escortent les milliers de transports de troupes et les
milliers d'avion qui les protègent ouvrent le feu sur les bunkers qui
ripostent. Sur les plages de Sword, Juno, Sold et Utah les opérations de
débarquement font un minimum de morts. Mais les américains rencontrent de
terribles difficultés sur la plage de Omaha car la plupart des bunkers et des
nids de mitrailleuses n'ont pas été détruits. La première vague d'assaut est
néantie par le feu des défenses ennemies. Les vagues suivantes sont à leur tour
laquées sur le sable et durement éprouvées. Les chaloupes coulent, les tanks amphibies
chavirent, la mer est rouge de sang, la plage couverte de cadavres et de débris
de blindés et de véhicules. Plus de 2000 soldats américains seront tués]
Finalement, au prix de lourdes pertes, les soldats du génie ouvrent une brèche
dans les défenses allemandes. Mais ce n'est qu'en fin de journée que les
survivants parviendront à Colleville-sur-Mer. Les rangers, eux aussi, perdront
de nombreux soldats pour s'emparer de la pointe du hoc et résister à la
contre-attaque allemande.
Toutefois, malgré la
forte opposition des troupes allemandes, 170 000 soldats, américains,
britanniques, canadiens et français franchissent les plages normandes le 6
juin. Dans les jours suivants, les combats acharnés se poursuivent dans le
bocage et la plupart des agglomérations sont incendiées ou rasées par
l'artillerie et l'aviation faisant de nombreuses victimes militaires et
civiles.
Le centre de Coutances est écrasé par le
bombardement allié du 6 juin qui fait 350 victimes. Le port de Cherbourg est
détruit. Saint Lô et Lisieux sont dévorés par les flammes. La ville de Caen,
qui ne sera libérée que le 8 juillet par les troupes du Général MONTGOMERY,
subit pendant plusieurs jours un bombardement intensif qui abat la plupart des
immeubles et fait des milliers de victimes. Les ports et les villes de Rouen et
du Havre disparaissent sous les décombres. Le 14 juin, le Général DE GAULLE débarque
à Courseulles-sur-Mer et prononce son premier discours à Bayeux libérée depuis
le 8 juin. " La victoire que nous remporterons dit-il, sera la victoire de
la liberté et la victoire de la France ".
La 2eme
DB du Général LECLERC débarque le 29 juillet, participe à la réduction de la
poche de Falaise et, avec l'accord du Général PATTON, le Capitaine DRONE fonce
sur Paris où il entre le 23 août et assure la liaison avec les insurgés,
commandés par le Colonel ROL-TANGUY. Le lendemain, le Général DE GAULLE descend
les Champs Elysées, suivi de Georges BIDAULT, le nouveau Président du CNR et
s'adresse à la foule d'un balcon de l'Hôtel de Ville.
Le 22 novembre, le Général LECLERC
fidèle au serment de KOUFRA délivre Strasbourg. Toutes les autres villes
françaises seront libérées pendant cette période, soit par la résistance, soit
par l'action conjuguée de la résistance et de l'armée.
Mais il est
indéniable que la bataille décisive s'est déroulée sur les plages de Normandie
et dans l'arrière-pays. Comme jadis les populations du Nord et de l'Est de la
France, la population de Normandie a terriblement souffert de la guerre et fait
preuve d'un courage remarquable.
Comme la
Jérusalem antique, la Normandie est sortie de ses ruines plus belle et plus
rayonnante que jadis.
Au charme de ses
villes, de ses plages, de son bocage s'ajoute maintenant dans ses musées, dans
la pierre des édifices restaurés, dans les bunkers éventrés, dans les restes du
port artificiel d'Arromanches un précieux témoignage historique, témoignage
accablant contre la guerre.
Jeunes gens qui
jouez sur les plages, qui visitez les champs de bataille, l'immense cimetière
de Colleville-sur-Mer couvert de 85 000 croix blanches, le mémorial de Caen,
les musées de Bayeux, d'Arromanches, pensez aux jeunes de votre âge qui ont
sacrifié leur vie pour la France, pour la paix, pour la liberté.
Sachez que la
paix, la liberté, les droits de l'Homme ne sont jamais définitivement acquis.
(1)
Article publié en Mai 1994 dans Notre
voix PTT par René Peyre à l’occasion des cérémonies du cinquantième
anniversaire du débarquement allié le 6 juin 1944