jeudi 22 octobre 2020

La bataille du 8 Mai 1945

 

« Pour des motifs de construction européenne, Valéry Giscard d'Estaing décide le 9 mai 1975 tout bonnement de supprimer les commémorations du 8 Mai 1945. Invité à l'Elysée le jour de l'annonce, le président allemand, Walter Scheel, déclara : "C'est avec une profonde satisfaction que j'ai pris connaissance de votre décision ne plus célébrer à l'avenir l'anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale." 

Le président de la République se justifiera lors d'un échange avec des journalistes à l'Elysée quelques semaines plus tard : "J'ai été frappé de voir que beaucoup de commentaires portaient sur la guerre, portaient sur la victoire, sur l'écrasement des adversaires, c'est-à-dire précisément sur ces démons que nous avons le devoir de faire disparaître de l'Europe d'aujourd'hui." Il dénoncera également sa surprise de voir les trottoirs vides autour de la place de l'Etoile lorsqu'il accompagnait son prédécesseur Georges Pompidou aux cérémonies. Valéry Giscard d'Estaing préféra célébrer le 9 mai, fête de l'Europe. 

François Mitterrand rétablit le jour férié

L'arrivée de l'Elysée de François Mitterrand marque le retour des célébrations du 8 mai et de ce caractère férié. Le Président a préféré écouter les nombreuses associations d'anciens combattants qui s'insurgeaient, depuis 1975, contre la suppression des commémorations. 

En septembre 1981, l'Assemblée nationale adopte le retour du 8-Mai comme férié. A l'époque, le ministre des Anciens combattants qui portait cette loi, Jean Laurain, déclarait que "le 8 mai sera une fête internationale de la liberté et de la paix à laquelle participeront les anciens combattants, les associations de jeunesse et d'Education nationale." »

Source - LCI

 

L’UFAC dirigée alors par René Peyre mena ce combat en première ligne. Voici son témoignage dans « Notre voix » rédigé en Octobre 1981

 

 

LA DEUXIEME VICTOIRE DU 8 MAI

 

 

« Le 23 septembre dernier, l'Assemblée Nationale par 481 voix contre une, celle de M. COUVE DE MURVILLE, et deux abstentions, celles de MM. DEBRÉ et BARRE, adoptait la proposition de loi que le Sénat avait adoptée au mois d'octobre 1979, par 290 voix contre 0, tendant au rétablissement du jour férié du 8 Mai.

C'est une immense satisfaction pour nous tous, et un succès considérable porté par l'UFAC, les Unions Départementales de l'UFAC et les Associations membres de l'UFAC, dont la nôtre.

Dans un même élan de solidarité, nous avons protesté dès 1975 avec l'UFAC contre la décision surprenante et impopulaire prise par le Président GISCARD D’ESTAING de supprimer les cérémonies commémoratives du 8 Mai

De 1976 à 1979, l'UFAC, soutenue par les organisations précitées, s'est chargée de leur organisation à Paris et en province, prouvant ainsi l'attachement des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre à la journée historique du 8 Mai 1945 et au culte du souvenir

L'UFAC, d'autre part, n'a cessé de réclamer pendant cette période le rétablissement des cérémonies officielles et du jour férié du 8 Mai.

Le journaliste Graf KAGENECK, qui m'avait interrogé sur le 8 Mai, publiait un long article dans le journal d'Allemagne Fédérale " Die Welt " du 5 avril 1980 sous le titre "GISCARD accepte le retour des 3 couleurs en mai, le mois de la Victoire ".

Cet article commençait ainsi

" René PEYRE est un chef d'armée sans uniforme, ni galons, ni bâton de maréchal. Il a si peu 1’ aspect militaire qu'on ne peut vraiment pas se l'imaginer en uniforme. Et malgré tout, il dirige une armée qui inspire la crainte et qui est forte de 2 millions d'hommes, l'UFAC. Elle vient de remporter en Europe une grande victoire. Lui et ses soldats inconnus de 40/45 ont réussi en un combat ardu qui a duré 5 ans à faire faire marche arrière au Président GISCARD D'ESTAING en l'obligeant à retirer son ordonnance de 1975 d'après laquelle le 8 Mai ne devait plus être considéré comme jour anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nationale socialiste ".

On ne pouvait souligner plus clairement le rôle décisif joué par l'UFAC dans cette affaire.

Effectivement, le Président GISCARD D’ESTAING nous a donné, en partie, satisfaction en rétablissant à l'occasion du 35eme Anniversaire de la Victoire de 1945 les cérémonies officielles. (1)

S'il n'a pas voulu rétablir le jour férié du 8 Mai, il a cependant admis, pendant la campagne des présidentielles, avoir commis une erreur psychologique.

Quant à M. BARRE, il a confirmé par son vote négatif du 23 septembre dernier le peu d'intérêt qu'il accordait aux Anciens Combattants, à leurs droits et à leurs mérites.

En revanche le Ministre des Anciens Combattants a déclaré à la Tribune l'Assemblée Nationale que " dans les jours qui précéderont chaque année le 8 Mai les médias seront fortement sollicités pour expliquer à l'opinion publique et surtout la jeunesse, au moyen d'articles de presse, d'émissions de radio et de télévision, les raisons de cette fête ".

De plus, M. LAURAIN a réitéré son désir de donner à la célébration du 8 Mai une dimension internationale à Paris pour qu'elle devienne une fête annuelle de la liberté et de la paix.

Au reste, pour la première fois, on peut voir dans le projet de budget des Anciens Combattants pour 1982 une ligne consacrée à la commémoration du 8 Mai et la dépense correspondante de 3 300 000 nouveaux francs.

Nous apprécions, avec l'UFAC, l'attitude compréhensive du Président François MITTERRAND et l'initiative du Ministre des Anciens Combattants.

Nous savons que nos détracteurs seraient ravis, si, lors des cérémonies du 8 Mai 1982, la participation des Anciens Combattants était inférieure à celle des années précédentes.

Nous ne leur procurerons pas ce plaisir. Nous serons aussi nombreux que d'habitude, nous nous associerons aux personnalités, à la population, à la jeunesse pour donner aux cérémonies le plus d'éclat possible. Nous souhaitons que la jeunesse soit informée, qu'elle sache que la date du 8 Mai 1945, l'une des plus importantes de l'histoire de l'Humanité, marque simultanément l'arrêt des hostilités sur le continent européen, la chute du régime nazi, la fin des tourments pour les rescapés des camps de concentration, la libération des peuples opprimés y compris celle du peuple allemand.

Nous pensons avec Jean JAURES et Aristide BRIAND que la coopération franco-allemande est la pierre angulaire de l'édifice européen, d'une Europe que nous voulons indépendante et pacifique. C'est pourquoi, chaque année depuis 1964, nous organisons avec nos collègues Anciens Combattants d'Allemagne Fédérale des rencontres de jeunes, des colloques d'adultes et des jumelages.

Nous constatons avec plaisir que le Président François MITTERRAND poursuit le dialogue engagé successivement par le Général de GAULLE et le Président Robert SCHUMAN avec le Chancelier ADENAUER et le Président GISCARD D'ESTAING avec le Chancelier SCHMIT.

Mais nous entretenons, d'autre part, des relations amicales avec nos camarades de Belgique, de Bulgarie, d'Italie, du Luxembourg, de Pologne, d'U.R.S.S. et de Yougoslavie. Nous soutenons ensemble les activités des quatre organisations internationales, la C.E.A.C., la C.I.A.P.G., la F.I.R. et la F.M.A.C. pour concrétiser l'espoir de paix, de justice et de fraternité qu'avait fait naître la resplendissante journée du 8 Mai 1945. »


OCTOBRE 1981

 

Post-scriptum

Pour mon humble part, je pense que le rétablissement des cérémonies du 8 Mai 1945 ouvrit la voie à d’autres entreprises mémorielles, dont la plus frappante fut celle de la reconnaissance par Jacques Chirac de la responsabilité de l’Etat français dans la déportation vers l’Allemagne des juifs français.

Marc Allobroge

 


 

(1)   https://www.elysee.fr/valery-giscard-d-estaing/1981/05/07/lettre-de-m-valery-giscard-destaing-a-m-rene-peyre-president-de-lunion-francaise-des-associations-danciens-combattants-et-victimes-de-guerre-paris-palais-de-lelysee-jeudi-7-mai-1981

2 commentaires:

  1. C'est fou. J'ai toujours pris ce jour férié pour acquis et ne savais absolument pas qu'il avait été supprimé en 1975 pour cause de construction européenne. Ca fait du bien de se perdre dans la blogosphère !

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    1. Oui, Giscard avait voulu tirer un trait sur cette commémoration. C'était pousser la réconciliation franco-allemande voulue par De Gaulle et Adenauer un peu trop loin.

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