Les forces de la résistance en
Vercors en fixant d’importants effectifs allemands ont rendu d’éminents
services à la bataille de France " en cours "
Télégramme adressé le 29 juillet 1944 aux FFI Vercors par le Général
KOENIG.
D'une phrase très courte, Raoul BLANCHARD, ancien recteur de l'Académie
le Grenoble, auteur d'une thèse sur les Alpes, dépeint le plateau du Vercors
"Un vaste berceau de prairies au milieu des forêts "
L'air y est pur. Loin du tumulte et de la pollution des grandes villes
la nature conserve son charme et sa sérénité.
Les habitants de La Chapelle-en-Vercors, de Vassieux, des hameaux
voisins et les fermes isolées consacrent leur activité à l'élevage et à
l'exploitation des forêts.
En hiver montent sur le
plateau des skieurs, au printemps et en été des randonneurs t des enfants qui
ont besoin de respirer l'air pur et tonifiant des montagnes du Vercors.
Aucun des habitants ne se doute en 1940
qu'il souffrira un jour de la barbarie nazie. Les derniers combats se sont
déroulés à Voreppe (Isère) et dans les Alpes. La Fance est traumatisée par une
défaite foudroyante. Deux millions de soldats sont prisonniers. Une partie de
la population accorde sa confiance au vieux Maréchal PETAIN. Mais des femmes et
des hommes de tous âges et de sensibilités différentes auxquels le Général DE GAULLE a lancé un appel pathétique
le 18 juin 1940 refusent de vivre sous le joug hitlérien et la tutelle du gouvernement de Vichy.
Ils espèrent pouvoir reprendre rapidement les armes pour chasser l'occupant et
rétablir la République et nos libertés. Dans tous les départements, dans l'Ain,
dans les Savoies, dans la Drôme, dans l'Isère, dans l'Ardèche, en Dordogne,
dans le Massif Central, dans le Limousin, en Bretagne, en Normandie, en
Ile-de-France, dans le Nord, en Corse... se constituent clandestinement des maquis rattachés à des mouvements ou
réseaux en contact avec l'Etat-Major de la France Libre à
Londres.
En 1941, M. Pierre DALLOZ, inspecteur des
sites, résidant à Sassenage, pense que le Vercors, forteresse naturelle d'accès
difficile, constituerait une position stratégique très importante si les
troupes alliées débarquaient en Provence.
Son
ami, l'écrivain Jean PREVOST, partage ce sentiment. En novembre 1942, Pierre
LOZ soumet à Yves FARGES, journaliste à "Franc-Tireur", à Lyon, un
plan d’utilisation militaire du Vercors supervisé par le capitaine LE RAY. Yves
FARGES transmet le plan « montagnards " à Jean MOULIN qui donne son accord
le 31 janvier 1943.
Le 10 février 1943, Pierre DALLOZ et Yves
FARGES remettent le plan « montagnards " au Général DELESTRAINT, chef
de l'Armée secrète, qui l'adopte et le présente au Général DE GAULLE en mars
1943.
Malheureusement,
le Général DELESTRAINT et Jean MOULIN, dont l'insistance aurait sans doute été
déterminante, sont arrêtés, l'un à Paris, l'autre à Lyon en juin 1943. La Gestapo
les a éliminés.
A la fin de l'année,
Pierre DALLOZ rencontre à Alger le Colonel PASSY (chef BCRA) et le Colonel
BILLOTTE, secrétaire général du Comité de défense national proches
collaborateurs du Général DE GAULLE. II souligne l'intérêt de son plan dev deux
autres colonels " dont les préoccupations, écrit-il, n'étaient pas celles
que j'aurais cru »
Quand Eugène
CHAVANT (CLEMENT) se rend à son tour à Alger en Mai 1944 constate avec amertume
que le plan "montagnards" n'a pas été transmis à l’état-major
interallié.
Mais il rencontre
Jacques SOUSTELLE qui lui promet qu'Alger interviendrait si les Allemands
lançaient une grande offensive contre le Vercors.
Hélas la promesse
ne fut pas tenue, et CLEMENT le reprochera très vivement aux autorités civiles
et militaires d'Alger.
Quoique plus modéré
dans ses propos le Commandant HUET terminera ainsi le message transmis par
radio le 23 juillet au soir à Alger : " Tous ont fait courageusement leur
devoir dans une lutte désespérée et portent la tristesse d'avoir dû céder sous
nombre et' d'avoir été abandonnés seuls au moment du combat ".
L'attitude de
l'Etat Major interallié est d'autant plus surprenante qu'il n'ignorait pas]
l'existence et l'intérêt du maquis du Vercors constitué au début de l'année
1943 par un comité comprenant Pierre DALLOZ et ses amis et les responsables du
mouvement Franc-Tireur du Dauphiné.
Le premier maquis
est créé à Ambel, au sud de la forêt de Lente en janvier 1943. Au fur et à
mesure de l'arrivée de volontaires et de groupes constitués dans les vallées
une dizaine de maquis s'installent dans les divers secteurs du Vercors.
En 1943, le Vercors
abritait environ 400 maquisards. En juin 1944, il en comptait environ 4 000.
Pourtant, en raison de l'étendue du Massif, les effectifs étaient trop faibles
pour contenir l'ennemi dans certains passages et constituer des réserves suffisantes.
Comme aux Glières, les parachutages ne livraient aux résistants que des armes
légères, des fusils mitrailleurs, des fusils et des mitraillettes Sten,
quelques mitrailleuses, des grenades, des explosifs, des bombes Gamons. Pas de
mortiers ni d'armes lourdes. De même " aucun moyen de transmissions
militaires, pas de liaisons radio. Nos agents de liaison se déplaçaient à pied
ou à vélo " écrit le Général COSTA de BEAUREGARD (DURIEU) dans le Figaro
du 21 juillet dernier.
En revanche, les
officiers et sous-officiers d'active étaient vingt fois plus nombreux qu'au
plateau des Glières.
La plupart avaient
servi au 6e Bataillon de Chasseurs Alpins de Grenoble, quelques-uns
au 11 eme Régiment de Cuirassiers de Lyon. Enfin, avaient été parachutés sur le
Vercors des officiers français, britanniques et américains chargés de missions
spéciales par Alger ou Londres et un commando américain.
En juin 1943, le
second comité de combat du Vercors comprend : le capitaine LE RAY chef militaire, CHAVANT (CLEMENT), chef civil de
la Résistance qui sera fait Compagnon de la Libération, le Dr
SAMUEL, le Capitaine COSTA de BEAUREGARD et Jean PREVOST.
Le premier
parachutage a lieu le 13 novembre 1943 dans la zone d'Arbounouze. Les
escarmouches s'accentuent au début de l'année 1944. Les maquisards harcèlent
les Allemands et réussissent quelques coups de mains mais ils perdent des
officiers et plusieurs hommes dans le combat de Malleval dont parle avec
émotion l'Abbé PIERRE, ancien aumônier du groupe.
En décembre 1943,
le Capitaine LE RAY abandonne le commandement militaire du Vercors désormais
rattaché à la région de Lyon.
Le capitaine GEYER
(THTVOLLET) lui succède provisoirement. Ancien Officier du 1161116
Régiment de Cuirassiers de Lyon, il a constitué avec Charles LAHMERY (BOZAMBO)
et d'autres anciens de son régiment un maquis dans le secteur du Grand Serre et
du camp de Chambarand en novembre 1942. Le Capitaine THTVOLLET arrive au
Vercors en décembre 1943, à la demande du Commandant DESCOUR, chef régional de
la résistance.
Il est accompagné
d'une quarantaine d'hommes.
Le Capitaine
BOZAMBO prend le commandement du maquis du Grand Serre et livrera de durs
combats aux Allemands dans la Drôme des collines. II participera à la libération
de Romans.
En avril 1944, la
milice investit Vassieux, fusille 3 résistants et des civils et incendie
plusieurs maisons.
Les miliciens sont
commandés par d'AGOSTINI qui, au mois de mars précédent |traquait les patriotes
descendus du plateau des Glières.
Miliciens et
Allemands voudraient écraser le maquis du Vercors dont ils redoutent la puissance
au moment où les armées allemandes de Normandie tentent désespérément de retarder
la progression des forces alliées et françaises.
Quant aux
maquisards, ils apprennent avec enthousiasme le débarquement du 6 juin souhaitent
pouvoir chasser rapidement les Allemands du Dauphiné.
Dans la nuit du 5
au 6 juin, la BBC diffuse le message attendu : " le chamois des Alpes
bondit ". A partir du 6 juin 1944, des groupes de résistants rejoignent
celui du grenoblois Vallier dans le Vercors.
D'anciens soldats de l'armée française, maghrébins et
sénégalais, encadrés par leurs officiers viennent en renfort au Vercors.
Le 9 juin, le Commandant DESCOUR (BAYARD) donne l'ordre de
mobilisation et installe son PC près de Saint-Julien-en-Vercors.
Les événements vont
se précipiter.
Le 10 juin, sur
ordre du Capitaine COSTA DE BEAUREGARD, la compagnie de l’AS de Jean
PREVOST (GODERVILLE) renforcée par le groupe de Loulou BOUCHIER et la compagnie
du Capitaine BRISAC (BELMONT) occupent la position de Saint-Nizier qui
surplombe Grenoble et permet de suivre les déplacements des Allemands dans
cette portion de la vallée de l'Isère.
Naturellement, les
Allemands voudraient s'emparer de cette position stratégique. Ils attaquent le
13 dans la matinée. Le combat dure 4 heures et tourne à l'avantage des maquisards
grâce à l'intervention du Lieutenant CHABAL et de ses Chasseurs Alpins.
Le 15 juin, à
l'aube, les Allemands attaquent en force et, après de durs combats pénètrent à
Saint-Nizier, pillent et incendient toutes les maisons, sauf un hôtel. Leurs
pertes sont lourdes.
Suit une période
relativement calme.
Le 3 juillet, la
résistance diffuse une affiche qui annonce à la population que la République
Française a été officiellement restaurée dans le Vercors. A dater de ce jour les
décrets de Vichy sont abolis et toutes les lois républicaines remises en
vigueur.
Le 25 juin, et le
14 juillet dans la journée, des forteresses volantes lâchent plusieurs centaines
de containers sur le terrain d'aviation de Vassieux, le " taille-crayon
".
Le groupe du Lieutenant HARDY et la population transportent
et cachent les armes
Le Capitaine d'aviation TOURNISSA (PAQUEBOT) saute sur
Vassieux, chargé par l’Etat-Major interallié d'Alger, d'aménager le terrain
pour permettre l'atterrissage d'avions chargés de troupes et de matériel lourd.
Les travaux doivent se terminer le 23 juillet. Mais le 21, les hommes qui
travaillent sur le terrain, la population et les maquisards aperçoivent soudain
des avions arrivant du Sud qui remorquent des planeurs. Ils croient tout
d'abord que se sont les appareils annoncés par Alger. Fatale erreur, les
planeurs déposent plus de 200 soldats, un commando spécialement entraîné pour
la répression, des SS, des Waffen SS français et des mongols. Protégés par les
mitrailleuses des pilotes, les Allemands attaque avec des lance-flammes, des
fusils mitrailleurs, des mitraillettes et des grenades.
Dès le début de
l'engagement, les lieutenants GRIMAUD, HARDY et l'aspirant DESCOUR, fils du
commandant DESCOUR sont tués ainsi que de nombreux soldats et civils. Des
scènes horribles se déroulent à Vassieux. Comme de fauves, les assaillants
massacrent la population, s'acharnent sur les blessés et les prisonniers,
brûlent les maisons. Quand il apprend ce qui se passe à Vassieux le Commandant
HUET (HERVIEUX) demande au Capitaine THIVOLLET d'envoyer| des renforts pour
encercler les commandos Allemands.
L'opération
réussit mais trois attaques du maquis échouent. La situation devient]
intenable. Des avions et des planeurs apportent encore des hommes, des armes
lourdes et des munitions aux allemands.
Pendant que
Vassieux brûle, la 157eme Division de Montagne du Général PFLAUM,
celui qui assaillait les Glières au mois de mars précédent, attaque avec de
puissants moyens au nord et à l'est du Plateau du Vercors. A 15 heures, les
Allemands montent en direction de Valchevrière mais le Lieutenant CHABAL les
repousse. Sur les Pas (passages dans la crête orientale du Vercors) les
Allemands progressent.
A l'aube du 23
juillet, les Allemands tirent au mortier sur les positions de Valchevrière. Ils
parviennent à s'infiltrer dans le système de défense du maquis.
A Valchevrière, l'ennemi
avance malgré l'héroïque défense des Chasseurs. Le lieutenant CIIABAL debout derrière
les rondins empilés sur le belvédère de Valchevrière, tire au bazooka puis au
fusil mitrailleur pour arrêter l'assaut de l'ennemi. Il donne
même l'ordre de contre-attaquer mais l'ennemi poursuit son offensive.
Alors le Lieutenant CHABAL fait porter le message suivant au Capitaine PREVOST
:
"Je suis presque
complètement encerclé. Nous nous apprêtons à faire Sidi-Brahim. Vive la
France". Il tire encore. Les hommes qui l'entourent sont tués ou grièvement
blessés. Soudain, il s'affaisse. C'est fini. Le maquis du Vercors perd l'un de ses
plus valeureux combattants.
A Vassieux, à Valchevrière,
sur les Pas les défenses craquent, l'ennemi se dirige, vers l'intérieur du plateau.
Devant cette
situation alarmante et ne recevant aucun secours d'Alger, le Commandant HUET
(HERVIEUX) donne l'ordre de dispersion.
Pendant que les
patriotes du Vercors se replient en bon ordre dans les forêts en attendant
de pouvoir reprendre le combat, les Allemands ratissent le plateau torturent,
fusillent des civils innocents, pillent et détruisent les maisons. Ils commettent
l'un de leurs crimes les plus odieux le 27 juillet dans la grotte de la Luire
où ils massacrent les 24 blessés et s'emparent des médecins et des infirmières
qui seront fusillés à Grenoble ou déportés dans les camps de concentration
nazis.
Jean PREVOST
(Goderville) et les cinq résistants qui l'accompagnent sont tués le 1er août à
Sassenage par une patrouille allemande.
Au total, 500 résistants
et 200 civils sont morts dans le Vercors. C'est un bilan 1res lourd mais la
tragédie qui a plongé de nombreuses familles dans le deuil et la tristesse
prend une valeur historique et symbolique.
Pour le Commandant Pierre TANANT, Chef d'Etat
Major, " le Vercors avec ses quatre milles combattants, avec ses sept
cents martyrs, avec ses mille maisons brûlées, avec toute sa souffrance
accumulée et généreusement acceptée, doit demeurer dans l'histoire de notre
pays comme l'un des plus beaux symboles de la volonté de la Résistance
Française ".
Au Vercors comme aux Glières, des Officiers et Sous-Officiers
d'active, des adultes et des jeunes gens, qui croyaient ou ne croyaient pas en
Dieu, ont risqué leur vie ensemble pour leur pays, pour la République et la
liberté.
Ces hommes qui ont rendu à la France son honneur,
participèrent à la libération des villes du Dauphiné.
Le 22 août, la
Compagnie du Commandant THTVOLLET et celle du Capitaine BOZAMBO qui perd deux
officiers libèrent Romans.
Le lendemain, le
Commandant HERVIEUX installe son PC à Grenoble libérée.
Le 31 août, une
compagnie du Vercors et la compagnie du Commandant PONS, qui avait brillamment
défendu l'accès sud du Vercors et infligé une sévère défaite aux Allen à
Espenel, libèrent Valence.
Le 2 septembre, le
Colonel DESCOUR entre le premier à Lyon avec ses hommes
Dans toute la région,
les anciens du Vercors traquent les Allemands refoulés pai Américains et la
première armée de DE LATTRE DE TASSIGNY et font prisonnier| millier de soldats
de la 157™* Division de Montagne, qui les avaient sauvagement atl
quelques jours plus tôt.
De nombreux
résistants vont poursuivre le combat dans les rangs de la première armée de DE
LATTRE DE TASSIGNY avec laquelle le contact s'est était à Grenoble.
Le 21 juillet 1946,
le Général DE LATTRE DE TASSIGNY se souvenant de ce contact rend hommage aux
combattants du Vercors : " Grâce à eux, grâce à l'effort de leurs forces
neuves, notre Armée réussit l'amalgame qui devait en faire un miracle d’unité
spirituelle par la fusion de la mystique du maquis et de nos traditions
militaires des plus vivantes "...
" L'heure de
notre délivrance a été hâtée par l'action de nos maquis.
Par les
destructions qu'ils ont causées à l'armée allemande, par les pertes
considérables qu'ils lui ont infligées, par la psychose de peur que leur
prétendu " terrorisme » entretenait dans les rangs ennemis, ils ont
joué un rôle capital dans la réussite des plans gigantesques de débarquement
mis en œuvre par les Nations Unies sur les côtes Normandie et de Provence
".
Puissent les générations
actuelles et futures ne pas l'oublier.
René Peyre Notre Voix PTT Septembre 1994